La chose n’est pas nouvelle et a déjà vue des collaborations entre stars de ces deux univers bien trop souvent, et maladroitement, qualifiés comme antagonistes, alors qu’ils partagent beaucoup de choses en commun, de leurs origines à leur avènement.
On se souvient bien sûr de Run DMC et d’Aerosmith, l’un des duos les plus connus dans le genre, mais aussi d’Anthrax et Public Enemy, Calogero et Passi (« lol »)…
Ces deux milieux se côtoient, se déchirent parfois, et s’inspirent bien souvent (et ça, c’est tant mieux!). Les rappeurs ont beaucoup utilisé des instrus rock pour poser leurs textes, alors que le monde des gratteux, et plus particulièrement dans le métal, a pour évoluer dans le temps emprunté des ingrédients issus du hip-hop (les plus connus sont sûrement Rage Against The machine, mais aussi toute la vague nu-metal de la fin des années 90).
Parce que parfois certaines oreilles hermétiques n’ont pas encore su comprendre que la musique n’était pas une question de genres et de « styles », et que le regard incrédule des copains quand je leur avoue un certain penchant pour quelques artistes hip-hop m’ennuie profondément, je vous propose ce soir une petite sélection de morceaux mélangeant allègrement riffs de guitares et flows endiablés.
On commence par mes favoris dans le genre, à savoir Blakroc, le projet parallèle des Black Keys, orfèvres du garage blues moderne dont on vous a déjà parlé sur ce blog, et que vous pouvez retrouver régulièrement dans nos playlists.
Blakroc, où la rencontre en 2009 entre Damon Dash (ancien boss et cofondateur avec Jay-Z -dont il fut le manager jusqu’en 2002- de Roc-a-Fella, le plus gros label de hip-hop) et le duo d’Akron. L’idée est simple et efficace. Les chevelus se chargent de la musique, et le producteur, de recruter les mc’s. Onze titres, onze invités, onze jours d’enregistrements. Blakroc est né et prêt à en découdre. Oubliez les guéguerres de cours de récré, montez le volume, prenez un balais dans vos mimines (c’est pratique pour le air guitar et le « air pied de micro ») et prenez votre pied une bonne fois pour toute sur cette bonne grosse basse du titre d’ouverture qui se permet de convier le fantôme d’Ol Dirty Bastard aux festivités, histoire de bien faire comprendre qu’on n’est pas là pour faire de la soupe (n’en déplaise aux deux artistes crapules radiophoniques citées dans l’introduction de ce billet).
THIS IS BLAKROC! THIS IS DOPE!
On continue avec Danger Mouse, producteur béni des dieux de la musique et grand ami des Black Keys, qui en 2004, a eu la simple (et si géniale) idée de mélanger la musique comme on mélange les couleurs. Prenez le Black Album de Jay-Z, le White Album des Beatles… et, vous aurez deviné, on obtient le Grey Album, album autoproduit (pour raisons juridiques qui le mirent en conflit avec EMI, histoire que je vous raconterai dans un autre billet) constitué de mash-up* où les acapellas de l’ancien roi du Hiphop se superposent aux mélodies des cafards anglais pour un résultat des plus étonnants. C’est créatif, moderne (le « pillage » de sources dans sa plus belle incarnation), et en plus ça roule tout seul!
Le Grey Album qui vaut clairement le détour si vous êtes curieux et avides de chouettes découvertes. On trouve même sur ce disque une référence aux allégations des détracteurs de musique rock dans les années 60/70et qui frappèrent les Beatles ou les Doors avec l’interlude Lucifer 9, qui n’est autre qu’un couplet de Jay Z passé à l’envers et agrémenté d’une ligne de basse.
*Le mash-up (ou bastard pop, bootleg, etc) est une technique -bien souvent illégale- qui consiste à mélanger plusieurs morceaux pour n’en reformer qu’un.
Restons en 2004 et continuons notre folle promenade dans ce drôle d’univers après un arrêt sur le bord de l’autoroute pour laisser Jay-Z boire quelques gorgées de flotte (car il reste du voyage) et dire ciao à Danger Mouse qui s’envole vers de nouvelles aventures avant de retrouver dj n-we, un sombre inconnu débarqué du fin fond des internets. dj n-wee a lui aussi remixé le Black Album, mais cette fois ci en le mélangeant avec l’indie rock branleur des Pavement, dont je vous avais déjà parlé dans un de mes premiers billets alors qu’ils se faisaient gentiment remixer la face à la sauce électropop par Blackbird Blackbird.
Même technique de mash-up qu’au dessus, même efficacité, sauf qu’ici la ligne directrice est différente. Alors que Danger Mouse jouait sur les titres des albums, ici n-wee a suivi à la lettre le déroulement des disques puisque tous les titres du Black Album correspondent à leur homologue de Slanted and Enchanted (premier album des Pavement, 1994), chacune de ces galettes comportant 14 titres. Pour plus d’informations sur ce disque je vous invite à faire un petit tour sur la page de son créateur, où vous trouverez en plus d’informations intéressantes sur la genèse de ce disque, la possibilité de l’écouter en streaming et même de le télécharger. N’hésitez surtout pas à le faire, il le mérite, il a vraiment fait un travail remarquable!
La promenade s’arrête ici, vous pouvez détacher vos ceintures et, EH! je t’ai vu me piquer mes disques… +100 points pour ton esprit d’initiative!
J’espère que cet essai de chronique à thème vous a plu, et que vous n’hésiterez pas à me faire part de vos suggestions pour un autre Triple Listenburger et/ou de vos conseils musicaux concernant d’autres rencontres (d)étonnantes sur ce sujet.