Pour cette nouvelle chronique, voilà du très très lourd, avec « Lonerism » le nouvel album de Tame Impala.
Les Australiens viennent en effet avec ce deuxième opus de livrer un album qui va marquer l’année 2012. On parlera de chef duvre pour certains, de musique difficile d’accès pour d’autres. Mais une chose est sûre : voilà un disque qui ne va pas laisser insensible.
Tame Impala vient de Perth, fondé en 2008 par Kevin Parker (chant, guitare, basse, batterie, claviers), épaulé de Jay Watson (batterie, claviers, guitare) et Dominic Simper (percussions, basse, guitare). Sur scène ils sont cinq avec l’apport de Nick Allbrook (guitare et claviers) et Julien Barbagallo (batterie). « Lonerism » est leur deuxième album après « Innerspeaker » en 2010. Il est publié chez Modular.
Comment évoquer par des mots cette aventure musicale inouïe, cette odyssée qui nous envoie à l’intersection du passé et du futur. C’est une collision sonique entre les 60’s/70’s psychédeliques et la musique actuelle audacieuse et déconstruite. On y entend King Crimson danser avec Flaming Lips sur des rythmes de Keith Moon à la batterie, John Lennon chanter sur les arrangements de Kid A de Radiohead. On y discerne des instruments vintage issus des années 60, mais produits avec la technologie moderne et la dextérité de David Fridman (Mgmt, Flaming Lips, Mercury Rev). C’est parfois à la limite du supportable, souvent génial. Le disque parfait pour piéger vos amis en blind test : bien difficile de dater un tel capharnaum .
L’album démarre avec les morceaux les moins facile d’accès histoire de faire fuir les oreilles délicates : « Be above it » et son tempo de batterie endiablé à l’ambiance fantomatique et psychiatrique, suivi de « Endors toi », quasi instrumental où un synthé digne de Pink Floyd tisse ses boucles autour des syncopes d’un batteur qui aurait pu être John Bonham de Led Zep !
Puis les morceaux deviennent plus abordables et déroulent un tapis volant de pop céleste et déroutante. En version psychédélique pour « Apocalypse Dreams » qui aurait pu figurer chez Mgmt ; le superbe « Mind Mischief » qui commence en mode funky givrée avec voix d’anges avant de s’évaporer dans la dernière minute dans des effets délirants de phasing de Fridman ; la pop galactique de « Music to walk home by » ; le tube « Why won’t they talk to me », avec ses beaux accords tristes de claviers et ses superbes parties vocales qui caressent avec leurs mantras mélodiques ; le downtempo sucré,sensible et irrésistible de « Feels like we only go backwards » totalement hanté par le meilleur Lennon ; les boucles de guitares et synthés qui tournent autour d’une basse ronde avec des rires et des voix de cauchemar sur « Keep on lying » ; le tube « Elephant » avec sa structure ternaire guitare-basse-batterie à la hauteur d’un best of Black Sabbath et pour finir dans la tourmente après l’intermède apaisant « She just won’t believe me » le presque jazz-rock « Nothing that has happened so far has been anything we could control » et « Sun’s coming up » qui démarre avec une petite valse à la Stranglers emportée par la guitare de Hendrix, puis achevée par des frôlements et raclements terrifiants sortis d’une bande son de David Lynch.
On entend souvent dire que le rock actuel ne révèle pas de nouveaux talents au niveau de ceux du passé. En voici le contre exemple parfait avec ce très très grand disque, totalement novateur et iconoclaste, mais tout en respectant et recyclant ce fameux passé dans une orgie cosmique qui le mêle au plus avant-gardiste du son actuel.
On le sait bien : attention à ne pas trop s’enflammer à la première écoute. Il faudra donc confirmer ce présage sur la durée. Mais je veux bien prendre le pari que « Lonerism » sera dans le top 10 de fin d’année de la planète rock. On parie ?
Et pour ceux qui ont la curiosité de tout écouter :