Carrie & Lowell est déjà l’un des albums de 2015. Et je vous fais le pari qu’il figurera dans le top 5 de fin d’année.
Laissez moi vous expliquer pourquoi.
D’abord son auteur. Sufjan Stevens est devenu depuis une dizaine d’années un incontournable, un de ces songwriters références fréquemment cités en modèle dès qu’il s’agit de folk sensible et délicat. Depuis ses débuts en 2000, il s’est hissé à un niveau d’excellence tant dans l’écriture que dans les arrangements, enchainant les disques parfaits (Michigan en 2003, Illinois en 2005, The Age Of Adz en 2010) ou les collaborations artistiques éclectiques avec rockers, artistes folk et musiciens classiques.
Ensuite ce disque. Il est bouleversant. Rarement on aura vu un chanteur se mette autant à nu sur un disque. Le Springsteen de Nebraska peut-être. Sufjan Stevens a évacué toutes les orchestrations brillantes et complexes ajoutées sur les précédents opus. Pour ce septième album, il revient à un canevas d’instruments fondamentaux : la guitare, le piano et la voix. Cette palette minimaliste est destinée à mettre en sons les histoires de sa vie intime, les joies et les peines de son enfance et de sa famille. Une autobiographie mise en musique de manière épurée, grattée jusqu’à l’os.
Carrie est le prénom de sa mère, disparue en 2012 d’un cancer, après avoir souffert sa vie durant de dépression sévère, de toxicomanie et de schizophrénie et abandonné son fils à plusieurs reprises. Lowell celui de son beau-père, à qui il voue une reconnaissance très forte pour l’avoir pris en charge avec affection à l’âge de 5 ans. Ce sont ces souvenirs familiaux que chante Stevens. Les bons comme les mauvais. Le bonheur des vacances en famille dans l’Oregon et le chagrin de l’abandon et du deuil. Il le fait avec humilité, pudeur, sans surjouer le pathos. Les chansons sont belles et tristes, douces et joyeuses, mais toujours d’une sincérité désarmante. Et au dessus plane l’ombre d’un mysticisme assumé. Les seules enluminures de production résident dans des notes de mandolines, des nappes électroniques à peine perceptibles et une voix mise en retrait de façon fantomatique.
Ce n’est pas un disque funky c’est sûr. Mais il est impossible de ne pas être touché par la tendre mélancolie et l’amour filial qui émanent des 11 morceaux de cet album qui n’ennuie jamais.
On dira peut-être dans des décennies futures que c’est un chef d’œuvre. Contentons-nous simplement de nous laisser porter par son écoute et d’accepter de partager l’histoire de Monsieur Sufjan Stevens. Un grand homme.