Sans lui vous ne seriez sans doute pas en train de lire nos articles dans TheMusicalBox. Car pour Vanke comme pour moi, Bernard Lenoir a été celui par qui tout est arrivé : il nous a transmis une éducation musicale alternative et l’envie contagieuse de prendre à notre tour le micro pour faire passer notre goût pour une musique pas comme les autres.
On lui doit la découverte des groupes qui ont bouleversé notre vie et notre façon de la concevoir, à une époque où ceux qu’on appelait les « dinosaures du rock » (en gros les groupes rock de la fin des années 70 de Led Zep à Yes, de Supertramp à Toto) succombaient à l’excès de gras et d’hyper virtuosité musicale et étaient poussés sur la touche par une horde de jeunes groupes connaissant à peine trois accords mais animés par une flamme et une vie qui incendiaient tout sur leur passage et qui avaient pour nom Ramones ou Buzzcocks.
Après ses débuts sur France Inter dans le Pop Club de José Arthur où il présentait les nouveautés, il eut enfin sa propre émission avec la mythique « Feedback ». Au début on l’écoutait d’une oreille curieuse et avec une certaine crainte, un peu comme on visite les enclos des fauves au Zoo, et puis entrainé par la vague et l’enthousiasme de cette « new-wave » nous sommes devenus des auditeurs addicts à son émission quotidienne, l’enregistrant sur une K7 quand il était impossible de l’écouter en direct. C’est typique des auditeurs de FeedBack ça. Amusez vous à taper « Bernard Lenoir Feed back » sur un moteur de recherche et dans les premières pages vous aurez des nostalgiques de la K7 …
Des groupes essentiels donc pour moi : dans le désordre : la flamboyance de Ian Mc Cullough chanteur d’Echo and the Bunnymen, à une époque ou les Reds de Liverpool dominaient la planète foot (« You’ll never walk alone »), le désespoir de Ian Curtis et Joy Division, puis la résurrection, voire la rédemption des trois autres via New Order, l’exotisme et la fête des années 80 pré-HIV incarnées par Kid Creole et surtout ses Coconuts dont j’aurai l’immense bonheur de partager l’amitié, et qui sera toujours pour moi de manière indéfendable et partisane le meilleur groupe du monde de ma vie. Plus récemment Matt Berlinger de The National, à la mélancolie et l’élégance de beautiful Loser. Arcade Fire et la beauté romantique et l’héroïsme de leurs hymnes.
Au delà de ces découvertes parmi tant d’autres, il y avait aussi une attitude, humble et chaleureuse,et une certaine philosophie. Un regard distancié sur l’époque, une pureté, une critique grinçante du pouvoir en place, de ce monde individualiste et sauvage qui se mettait en place depuis les années Reagan-Thatcher. Et cette planète rock résistait un peu à la manière d’un petit village retranché dans ses idéaux, sa générosité. « Restons groupés » « Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien » en étaient les leitmotivs. Bref au delà de la musique il y avait vraiment une manière de ressentir la vie.
Et ça durera pendant 30 ans. Nous avons la chance d’avoir eu en France un DJ rock historique, équivalent du mythique John Peel dont il égalait largement la qualité de programmation, y compris en live avec ses Black Sessions. Le tout mixé de manière parfaite par sa fidèle réalisatrice Michèle Soulier, qui parvenait à enchaîner les morceaux les uns aux autres avec brio et bon gout.
Depuis deux ans il s’est retiré des ondes. On a longtemps espéré pouvoir l’entendre à nouveau. Mais on ne le retrouvera sans doute plus dans le cadre d’une programmation radio. Reste l’espoir de le voir faire un blog, mais même cette idée semble difficile à réaliser. Allez Bernard je t’assure, même nous, nous y sommes parvenu ! En tout cas on te réserve une place dans TheMusicalBox dès que tu le veux …
Passeur de musique incurable et toujours les oreilles aux aguets, Lenoir fait l’actualité musicale de la semaine en publiant (enfin ?) un double CD qui compile les morceaux importants de son histoire musicale, et intitulé « L’Inrockuptible ». Inutile de vous dire que c’est un sans faute.C’est la rencontre au sommet du must de la musique indépendante de ces trente dernières années, dans laquelle figurent bon nombre de chansons qui passent en boucle sur ce site dans nos programmes radio le soir, tant le Maxiton Sound que le Zistor Express. Impossible de tous les citer, mais retenons cependant James, The Cure, Ride, The House of Love, Radiohead, The Jesus and Mary Chain, Pixies ou The National. Un vrai best-of on vous dit …
Et puis il y a Joy Division, groupe essentiel et fondateur de la New Wave, élément majeur de la mythologie Lenoirienne présent avec « Transmission ».
C’est pour nous une lourde tache de ne garder qu’un titre pour illustrer ce disque. On aurait pu choisir « Brassneck » de The Wedding Present, un groupe que nous avions avec grande fierté fait venir avec Vanke , pour jouer en concert à Angers sur la scène de la MPT Monplaisir, et qui avait délivré ce soir là un set vraiment exceptionnel…
Mais finalement non. Mon choix final sera celle qui est pour moi la plus belle voix du rock : Elizabeth Fraser, la fragile chanteuse de Cocteau Twins. J’aurais adoré voir figurer sur ce disque sa version du « Song to the Siren » de Tim Buckley, LA chanson ultime, celle que j’aimerais entendre lors de mon dernier souffle. Mais on se contentera sans problème de « I wear your ring » merveille de l’album « Heaven or Las Vegas » en 1990.
Merci pour cette très belle compilation, Bernard. Reviens nous vite …