C’est souvent un plaisir de croiser à un coin de rue ou au fond d’un bar un vieux copain perdu de vue. Au bout de quelques minutes/heures de retrouvailles et de discussion, on a l’impression de s’être quitté la veille alors que de longues années sont passées depuis la rencontre précédente.
C’est exactement ce qui se passe avec Girls In Hawaii. De vieux amis de nos oreilles musicales, qu’on a le sentiment d’avoir découverts il y a quelques années seulement. Mauvais calcul : c’était en 2003 (dix ans déjà) avec leur excellent debut-album « From Here To There ». Il faut dire qu’en dix ans ils n’ont pas fait de bruit. Un deuxième album au bout de cinq ans, « Plan Your Escape » en 2008 et c’est tout. Depuis plus rien sur le plan musical. Les autres nouvelles les concernant furent franchement catastrophiques. Leur batteur, Denis Wielemans, frère d’Antoine le chanteur du groupe, est mort dans un accident de voiture à Bruxelles le 30 mai 2010.
La sortie d’un troisième album, « Everest », met donc du baume au coeur et rassure sur l’endurance et la force de Girls In Hawaii, nécessaires pour surmonter une telle épreuve. Produit par Luuk Cox et mixé par Tchad Blake (Tom Waits), son titre n’est pas anodin. Il symbolise le sommet inacessible et dangereux qu’ils ont du gravir pour parvenir à retrouver le plaisir et l’énergie de refaire de la musique. Mais pas comme avant. La couleur de leur pop jadis chatoyante et lumineuse s’est nettement teintée de noirceur. La perte, le deuil, le drame, sont des thèmes qui imprègnent de manière récurrente l’écriture de ces nouvelles chansons. Sous peine d’être déçu il ne faut donc pas chercher à retrouver avec nostalgie la pop-folk enjouée des deux premiers albums. Dans « Everest » l’ambiance est certes toujours pop, mais beaucoup plus lourde et grave, épique et solennelle.
Ce n’est pas une raison pour bouder ce disque. On reste séduit par la richesse mélodique du chant à deux voix d’Antoine et Lionel, soutenu par de beaux arrangements de guitares et une pulsation rythmique plus dense. On pense à Grandaddy ou à Venus et Deus leurs compatriotes Belges (ils sont originaires de Braine-l’Alleud, dans le Brabant Wallon).
Et puis cette grisaille de l’humeur, ce vague à l’âme, accentue chez eux ce caractère typique de la musique « Belge Touch », déjà soulignée ici, faite d’un mélange culturel des influences anglo-saxonnes avec un héritage très Européen, nourri d’un parfum de cabaret d’avant guerre, élégant et précieux. Et une fois de plus on apprécie beaucoup.
Triste mais beau.