Encore une séance de rattrapage. Alors que l’actu musicale se calme un peu et qu’on commence à regarder en direction de la fin de l’année et des bilans qui vont avec, c’est le moment de se repencher sur des disques déjà parus mais pas encore abordés jusqu’à présent.
En ce qui concerne Julia Holter, ce décalage est normal. Have You In My Wilderness, son quatrième album, est sorti chez Domino il y a un peu plus d’un mois. Et c’est bien le temps minimum qui a été nécessaire pour se familiariser et apprivoiser les chansons de cette étonnante song-writer Californienne, âgée de trente ans. Si son univers est plutôt pop, sa manière de l’aborder est totalement expérimentale et avant-gardiste. Ses trois précédents albums (en trois ans) ont surtout permis de révéler une démarche artistique très exigeante et référencée. On y traite d’Euripide, de Poésie, de Colette, d’Impressionnisme , de comédies musicales et de musique baroque, avec des arrangements qui oscillent entre le psyche-folk, le post-rock et le jazz. De quoi faire jaser les érudits du rock, mais pas forcément facile d’accès ni festif …
Have You In My Wilderness marque une évolution. Pas de concept sophistiqué cette fois, mais des chansons qui racontent des histoires, des vignettes musicales bâties autour des textes-poèmes écrits par Julia Holter. La mise en sons, assurée par Cole Greif-Neill ( Ariel Pink , Beck), est somptueuse, mélomane, et utilise essentiellement des instruments acoustiques. Les guitares, les cordes, le piano, le clavecin s’entremêlent dans l’harmonie avec la légèreté d’une dentelle, enroulées autour de la basse et des percussions. Entre orchestre de chambre et jazz-band de cabaret, la chanteuse déploie d’énigmatiques musiques de film, des mélodies très riches qu’elle enchante d’une voix cristalline soulignée par une reverb discrète. Et dire qu’elle avait honte de sa voix à ses débuts …
Ce n’est pas un disque dont on sifflera les chansons sous la douche. C’est clair. Pourtant, d’une audace artistique rarement entendue aujourd’hui, les 10 pièces rares qu’il abrite sont d’incroyables moments de communion musicale.
A la fois classieuse et intime, cette nouvelle livraison musicale de Julia Holter va laisser une belle trace dans le ciel de 2015.