Jenn Champion est une belle révélation, découverte grâce à l’épatant single No One, surgi du néant aujourd’hui même. Mais ces Américains qui semblent tout nouveaux venus sont en fait issus d’une histoire plus ancienne.
Jenn Ghetto (de son vrai nom Jennifer Hays) chante ses propres chansons qu’elle joue à la guitare depuis plus de quinze ans. Originaire de Tucson en Arizona elle bosse comme vendeuse de pizzas. C’est là qu’elle décide en 1997 avec ses collègues pizzaïolos Ben Bridwell et Mat Brooke de partir à Olympia former Carissa’s Wierd. Au bout d’un an le trio émigre à Seattle. Il publie trois albums entre 1998 et 2003, date de sa séparation. Bridwell et Brooke s’en vont de leur côté fonder Band Of Horses.
Jenn Ghetto se lance alors en solo, enregistrant toute seule ses chansons à la guitare dans sa chambre, sous le nom peu vendeur de S. Quatre albums voient le jour entre 2001 et 2014, dont le dernier, Cool Choices, produit par le guitariste de Death Cab For Cutie Chris Valla, déclenche de premiers échos sur les écrans de radars indie-rock. C’est le premier disque de S joué en groupe, en l’occurrence un quatuor composé de Zach McNulty (batterie), Betsy Olson (bass) et Carrie Murphy (guitare). Et enfin, en septembre 2015, Jenn Ghetto devient officiellement Jenn Champion et décide de publier désormais sa musique sous ce nom. No One est son premier E.P, et parait aujourd’hui chez Hardly Art. Une nouveauté du jour donc, mais qui est le fruit d’une longue maturation artistique commencée dans les années 1990.
C’est un morceau qui embarque ses auditeurs pour un impressionnant voyage. Le rythme est monotone et glacial. La basse synthétique et les arpèges de guitares bourrés d’écho accentuent la trame sombre et brumeuse. Jenn chante divinement un mantra qui se révèle plein de désespoir : “And there’s no one/And there’s no way out”. Implacable. On pense à la noirceur de Cure, à la mélancolie de New Order mais aussi à l’immense classe de Chromatics ou aux images du film Drive. Autant dire que le passé et le présent se croisent et s’unissent dans ce No One qui risque bien de hanter nos jours et nos nuits à venir.
Terrassant.