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All posts by Bertrand Zistor

C’est le coup de cœur de la semaine. Kassassin Street surgit d’un seul coup dans la lumière des projecteurs avec The Royal Handkerchief Ballet.

On entend déjà ronchonner dans les chaumières ceux qui vont trouver qu’on en fait trop pour un debut-single. Mais peu importe ! Car ce qui n’est effectivement qu’un premier titre s’avère être d’une grande puissance conquérante.

Ce morceau est teinté des couleurs psychédéliques à la mode en 2014, celles qu’on a tant appréciées chez Temples par exemple. Mais là où James Bagshaw et sa bande revisitent au gout du jour le pop rock psychédélique des 60’s, Kassassin Street ouvre en grand les portes de la salle d’archives qui sent le renfermé, sur le vaste monde de la planète et le grand air de la sono mondiale.

Chez eux résonnent des guitares aux accords arabisants, des arrangements de cordes importées du moyen orient, une batterie monstrueuse tribale et chaotique . Il ne manquait plus qu’un chant hurlant et guttural et on aurait pu retrouver chez eux les incantations de Killing Joke. Mais en fait ce n’est pas du tout le cas. En contrepied parfait, on découvre la voix de falsetto de Rowan Bastable, douce et enfantine, plus proche des sucreries d’Alex Trimble de Two Door Cinema Club. La production brillante et parfaitement équilibrée de Tristan Ivemy (Frank Turner, The Heartbreaks, The Holloways) réalise une fusion harmonieuse entre tous ces ingrédients, combine astucieusement leur puissance sonique avec un exotisme oriental hypnotique.

Kassassin Street est un quintet de Portsmouth. Une ville portuaire à l’origine de leur ouverture sur le monde ?

Le groupe s’est formé en 2009 autour d’une bande de copains d’enfance et de collège, avec une passion commune pour l’éclectisme musical : la pop psychédélique des 60’s, les expérimentations Krautrock des 70’s (Can, Kraftwerk, Neu!), mais aussi l’indie-pop et la musique électronique.

Le groupe vient de finir l’enregistrement de son premier album dans le Konk Studio de Londres. Il est déjà réputé pour la qualité de ses concerts, alors n’hésitez pas à aller le voir sur scène si vous en avez l’occasion cet été.

En attendant, The Musical Box ouvre grand ses portes à leur convaincante pop psychédélique pour derviches tourneurs modernes.

En cette période de pré-coupe du monde où on attend avec impatience (ou pas) la grand-messe du football planétaire, profitons-en pour nous confronter au rock venu lui aussi de l’autre partie du monde, en l’occurrence de l’hémisphère sud. Cela commençait à faire un bout de temps …

The Trouble With Templeton sont Australiens. Leur curieux nom provient du titre d’un épisode de la série culte Twilight Zone. Originaire de Brisbane, ce groupe existe depuis 2011, date de son premier album Bleeders. A dire vrai, il ne s’agissait initialement que de l’aventure solo du chanteur Thomas Calder, qui avait enregistré dans sa chambre ce disque en moins de trois semaines. Il a depuis trouvé du renfort avec trois garçons et une fille pour constituer un vrai quintet.

The Trouble With Templeton ont depuis signé chez Bella Union, label inestimable de Simon Raymonde dont on a déjà vanté la haute qualité. Leur premier album dans ce nouveau cadre s’appelle Rookie et est sorti il y a moins d’un mois.

Comme tous les groupes estampillés Bella Union, ils possèdent un côté atypique. Une audace, un décalage, qui les positionne à l’intersection de multiples directions. Il y a chez eux le lyrisme folk des Fleet Foxes, le désordre pop volontaire des Flaming Lips et les envolées célestes de Radiohead. Leur disque est un kaléidoscope qui brille d’ambiances différentes.

C’est un vrai album, à l’ancienne, qu’on écoute du début à la fin en passant d’un état d’âme à un autre, et qui regorge de surprises. Entre le lent et tourmenté Soldiers, la pop jangle de Six Months In A Cast ou le power-rock presque glam de Like A Kid on pourrait perdre le sens de l’orientation. Mais ce n’est pas le cas. The Trouble With Templeton parvient à lier le tout par une intelligence et une constance dans la qualité de ses compositions qui fait de Rookie un disque passionnant.

Un patchwork musical harmonieux.

On commence à en prendre l’habitude. Tous les ans à pareille époque nous arrivent des nouvelles de JJ avec un disque pour l’été.

C’est encore le cas cette année, avec l’annonce il y a quelques jours de la parution d’un cinquième album du duo Suédois. Il succèdera donc à JJ n°3 (Album de 2010) et aux deux E.P High Summer en 2012 et Fagelsangen en 2013.

On exagère un peu. Dès cet hiver ils avaient déjà refait parler d’eux en mettant en ligne un morceau inédit via une vidéo énigmatique, intitulée My Boyz.

Joakim Benon et Elin Kastlander aiment toujours autant entretenir le mystère.Les informations sur le nouvel album ont été distillées très progressivement. On a appris il y a deux semaines que l’album, baptisé sans superflu « V » sortira le 19 aout prochain chez Secretly Canadian et Sincerily Yours. Le trailer est paru, accompagné d’un texte ésotérique :

At last we meet again
and I’m like baby, what you doing here?
You stay on my mind.
We been up all winters for someone like you and we know that you been up all winters for someone like us.
We don’t even know your name or where you came from
and someday this war will be over so we and our friends will stay together until the end.
Making our way through this motherfucking life.
Come on, we have to do it.

Depuis quelques heures, le groupe a rendu public All White Everything , le premier single tiré de l’album. Il diffère des précédents titres par l’apport de plus d’électronique. La voix est légèrement trafiquée par des effets et on n’entend plus de guitare. A la place émergent des sons de synthés saturés et de pianos, à la manière d’un James Blake ou de Vangelis. Mais la comparaison s’arrête là car JJ n’a toujours pas atterri dans notre monde. Ils restent sur leur planète chilly, localisée sur une voix lactée lointaine, où l’on communique par des gazouillis, des échos spatiaux et des caresses télépathiques.

Une chanson douce, joli comptine pour un bal d’extra-terrestres.

On ne soulignera jamais assez l’importance prise par The XX au sein des musiques actuelles.

En trois ans et deux albums essentiels ces Londoniens ont littéralement inventé un nouveau format pop, véritable ticket pour un monde inexploré. Ses origines en seraient les années 80 avec d’une part la new-wave sombre (Siouxsie & The Banshees, Joy Division, The Cure), et d’autre part l’electro naissante (on parlait à l’époque de « pop synthétique ») de Yazoo et Eurythmics. Ces lointaines influences du siècle dernier ont été parfaitement digérées et recyclées dans une production moderne, audacieuse par son minimalisme et sa forte personnalité, chargée d’une bouleversante tension émotionnelle.

Et dans leur jardin fertile ont à leur tour poussé de nouvelles plantes étranges comme Disclosure, AlunaGeorge ou London Grammar.

Bat And Ball est l’une d’entre elles, dont les fragments d’ADN émanent directement de The XX. Même duo vocal Masculin/Féminin, ici sous la forme du frère et de la soeur (Chris et Abi Sinclair). Même amour d’une pop onirique, bancale, sombre et décalée, mais qui reste accessible et touchante, notamment par l’intensité de sa mélancolie. Même volonté de contaminer les charts et les radios du monde entier avec une jolie fleur pop qui cache dans ses pétales un venin glacial.

Originaires du Devon et installés à Londres, Bat And Ball ont sorti leur premier E.P il y a seulement 7 mois, intitulé de manière ambiguë We Prefer it In The Dark . Il est paru chez Kissability, l’excellent label de la DJ de la BBC Radio 1 Jen Long, à qui on doit Circa Waves, Thumpers et Rainer, habitués de notre Musical Box.

Stop My Mouth est leur deuxième et tout récent single. Il devient vite irrésistible au fur et à mesure des écoutes. Soutenue par une base instrumentale très simple (drum-machine, basse, quelques accords de piano), la voix d’Abi est très touchante, scandant son mantra « Your name stops my mouth/ It’s dangerous » dans une tonalité qui se situerait entre la glace des blondes Scandinaves, la passion de Patti Smith et la voix cristalline d’une chanteuse de soul jazz.

Prometteur et (très) précieux. On adore.

Aujourd’hui, voici la suite des aventures de Paws.

L’excellent trio Ecossais, que nous suivons depuis leurs débuts, réalisent en effet leur deuxième album Youth Culture Forever, enregistré à New York par Adam Pierce (Flaming Lips, Mice Parade).

Sorti chez Fatcat, il révèle une évolution spectaculaire dans la qualité de leur son. A des kilomètres du chaos lo-fi de leur précédent Cokefloat, ce disque percute avec une production plus précise et qui monte nettement en puissance. La section rythmique est clairement audible, avec d’ailleurs l’apport d’un nouveau bassiste Ryan Drever. Le mur du son des guitares reste toujours impressionnant mais apparait poli et nettoyé. Et le chant de Philip Taylor gagne très avantageusement en intensité et en lyrisme. Du plaisir pour les oreilles des auditeurs.

L’ensemble ne se compromet pas pour autant dans de la musak. Loin de là. Paws reste un groupe résolument indie, ancré dans une certaine idée de la pop-punk, telle qu’on l’envisageait à l’acmé du grunge des 90’s (Dinosaur Jr, Pavement), mais également déclinée plus récemment par des groupes contemporains comme Yuck.

Pour ceux qui souhaitent reprendre la chronologie de l’histoire de Paws, c’est ici que ça se passe.

Place surtout à la musique avec deux extraits de l’album.

Tongues :

et Owls Talons Clenching My Heart :

PEACE – Money

Dans la carrière d’un groupe, la publication du deuxième album est une épreuve difficile, un véritable moment clé. C’est un quitte ou double, en particulier pour les artistes qui ont connu le succès dès leur premier disque.

Entre ceux qui essayent de recopier bêtement le premier, hélas en moins bien, ceux qui avides de gloire essayent de faire plus commercial et fabriquent une belle daube, et ceux qui recherchent une crédibilité en fuyant tout nouveau succès public et livrent un truc inaudible, on ne compte plus tous les groupes démolis par ce fameux deuxième album. La gentillesse nous incite à ne pas donner d’exemple…

Peace, par contre, ne font pas partie de cette catégorie. Au contraire. L’an passé, leur premier album In Love, nous avait charmé par sa fraicheur, son audace et la richesse de ses compositions énergiques et toujours mélodiques. Au point d’en faire l’une des révélations de l’année. On craignait donc beaucoup la suite donnée à ce brillant premier album au succès public immédiat.

Bonne nouvelle : leur deuxième opus, dont on ne connait encore pas le titre exact, s’annonce novateur par rapport à In Love, tout en progressant nettement vers plus de maturité et de profondeur. C’est ce qui apparait à la découverte des deux premiers extraits.

World Pleasure, paru il y a deux mois nous a surpris avec son ambiance funky plus proche du Manchester 80’s que de leur Birmingham natal. On y découvre Harry Koisser qui essaye pour la première fois de chanter avec un phrasé rap sur un titre qui oscille entre le meilleur de Pet Shop Boys et The Stone Roses. Loin, très loin des friandises afro-pop de leur premier L.P.

Money, le deuxième morceau extrait de l’album, sort le 9 juin. Il confirme une véritable évolution de Peace vers un univers plus groove. La basse se fait très ronde et les guitares résonnent de petits riffs et gimmicks soul-funk. Mais pour autant le quatuor n’a perdu ni sa fougue ni son lyrisme et reste fidèle à ses engagements de départ. La puissance et l’énergie sont toujours présentes et emportent tout sur leur passage.

On ne connait pas encore la date de parution de l’album. En attendant, ils seront sur les grandes scènes des festivals de l’été et devraient poursuivre sereinement leur ascension irrésistible vers les sommets.

Un phénomène qu’on avait bien senti depuis le début.

C’est sans doute un effet secondaire du printemps, de l’abus de soleil et de la chaleur de ce week-end. Ou alors les prémisses de la Coupe du Monde de football qui se profile à l’horizon. En tout cas le résultat est bien là : un accès de paresse !

Pas la flemme d’écrire une chronique, non. Mais une paresse musicale, le besoin de se laisser aller et d’écouter des choses simples, qui ne prennent pas la tête. De la musique pas tourmentée et faite pour encourager l’hédonisme, parler au corps et non pas au cerveau.

Totalement en accord avec cet état d’esprit, voici le grand retour de Kasabian et leur Eez-Eh.

Pas de doute possible : voilà un futur tube de l’été, primitif et accrocheur qui devrait mettre le feu aux dance-floors des macumbas des quatre coins du monde. Un retour en grâce plutôt réussi pour Kasabian, qui ressuscitent le son de Madchester et créent la musique idéale pour accompagner les excès de boissons maltées et autres substances qui font rigoler dans les fêtes à venir.

Le groupe est un vieil habitué de nos chroniques. Il s’est formé en 1997 à Leicester, et constituait l’un des trois groupes en K qui devaient à l’époque prendre le contrôle du monde musical : Kasabian, Kaiser Chiefs et The Kooks. Et bien, hmm, 15 ans après on peut dire que les prévisions n’ont pas été couronnées de succès. Trois beaux exemples de lose avérée et des disques qui figurent dans le ventre mou de la Championship du rock (la D2 Anglaise).

Mais rien de grave ! Tom Meighan et ses petits camarades reviennent dans la lumière des projecteurs avec 48:13, cinquième album auto-produit par le guitariste du groupe Sergio Pizzorno, et qui parait le 9 juin chez Columbia, et qu’ils pourront défendre sur les scènes des grands festivals de l’été.

La sueur va couler dans les shorts et les maillots.

Déconneur et torride.

Il y a longtemps que je veux vous parler de The Melodic. Précisément depuis juin 2013 et la découverte de On My Way, coup de foudre immédiat pour un E.P savoureux, parfumé de country nonchalante et douce, à écouter à l’ombre de la véranda pendant que le soleil brûle les cactus et le sable du désert. Tellement Américain.

Sauf que …

Sauf que The Melodic ne viennent pas d’Oklahoma ou du Nevada, mais des maisons en brique à deux étages de Brixton, dans la banlieue de Londres.

Plutôt raté pour les clichés habituels sur la folk-country U.S. Et c’est tant mieux car leur musique brille par son caractère atypique. Un sacré foutoir à l’image de la pochette de leur album, stand d’une brocante glauque sous le soleil d’un coin perdu et poussiéreux.

Ils se qualifient eux mêmes d’afro-folk-pop, mais on pourrait dégainer des tas d’autres étiquettes : folk paresseux, mariachi Celtique, rumba Chilienne, country pudique, liste non exhaustive à laquelle chacun peut imaginer ses propres qualificatifs ou références. Les miennes seraient Beirut, les premiers Noah and The Whale, Los Calchakis ou cette perle de douceur et délicatesse que fut The Jazz Butcher. Mais qui s’en souvient encore ?

Sûrement pas eux : une petite vingtaine d’années au compteur seulement. Rudi Schmidt (guitares, charango) Huw Williams (guitare, chant), John Naldrett (Basse) et Lydia Samuels (harpe, mélodica, chant), ont enregistré cet album dans une alcôve transformée en studio, dans laquelle ils sont parvenus à faire rentrer 18 instruments différents. Une vraie musique de chambre donc, orchestrée comme une symphonie pour ukulele, melodica, kora, charango, nourrie par la culture de ce quartier cosmopolite qu’est Brixton, où résonnent le Reggae, l’Afro-Beat et la musique Caribéenne. Le résultat est troublant. Effra Parade est à la fois bordélique et épuré, drôle et pétillant, mais un peu triste et nostalgique aussi. Une tempête d’émotions qui surgissent et procurent un grand plaisir dans des chansons pourtant si simples en apparence.

Une révélation et un grand petit disque. A faire rembourser par la Sécurité Sociale tant il fait du bien.

Leur album, Effra Parade, est sorti il y a quelques semaines chez Anti-, une maison sérieuse qui a aussi accueilli Tom Waits et Calexico.

Quand on écrit tous les deux jours une chronique enthousiaste pour des nouveaux groupes, il existe un risque de se disperser, de perdre le sens de l’orientation musicale en encensant tout et n’importe quoi.

On peut alors faire confiance à l’entourage personnel, réel ou virtuel, pour nous remettre sur le bon chemin par le biais d’une simple question terrible : mais TOI en fait, qu’est ce que tu aimes VRAIMENT ?

Réponse aujourd’hui. Ce que MOI j’aime VRAIMENT, c’est ça : Craft Spells avec Breaking The Angle Agains The Tide.

Une pop tendue basée sur les guitares. Un tempo rapide à 150 bpm. Le gimmick de guitare avec la petite reverb qui va bien derrière. Un chant sans pathos ni excès de style, loin des concours d’amygdales façon The Voice, mais qui distille une émotion sincère et touchante. Ils figurent sur le label Captured Tracks, maison si merveilleuse que nous lui avions consacré un article l’an passé

Forcément, sans chercher à faire de la psychiatrie à deux sous, ce goût pour ce type de musique est la conséquence des souvenirs nostalgiques du passé. En ce qui me concerne, ce serait la période charnière de 1986/87 et l’apparition d’une génération de groupes indies à guitares immortalisée dans la compilation NME C86. Moment magique d’effervescence pop fraiche et spontanée qui balayait tous les dinosaures du début des années 80 dont on commençait à saturer un peu (U2Simple MindsDepeche Mode) et parenthèse apaisée avant l’apparition du Rap (Beastie Boys) et du Grunge (Nirvana).

Pourtant, Craft Spells ne sont pas Anglais. Ils viennent de Stockton en Californie. Le groupe est né dans la chambre de Justin Vallesteros en 2009, sous la forme d’une pop solitaire bricolée sur sa guitare et ses synthés. Nourri par l’apport progressif de quatre autres musiciens et deux disques plus tard (l’album Idle Labor en 2011 et l’E.P Gallery en 2012), il prend son envol . Mais le décollage n’est pas facile. Craft Spells rate son intégration à la scène Bay Area de San Francisco, plutôt teintée de garage rock ou de DJ-music et peu réceptive à ses chansons pop fragiles. Justin Vallesteros, complètement à court d’inspiration et d’énergie, retourne alors chez ses parents à Lathrop, dans la banlieue de Stockton, pour se retirer du monde musical pendant un an. Puis il s’y remet progressivement, au piano d’abord, puis à la composition ensuite, écrivant un nouvel album judicieusement baptisé Nausea.

L’album a été enregistré à Seattle avec le producteur Dylan Wall. La rédemption de Craft Spells s’effectue par l’utilisation inédite de cordes ou de piano, qui enrichissent et apportent un éclat étincelant à leurs nouvelles chansons.

L’album Nausea sort le 10 juin.

« Floating Ark », l’Arche Flottante, évoque irrémédiablement l’Arche De Noé que Dieu ordonna à Noé de construire pour sauver sa femme, ses trois fils et leurs épouses, et l’ensemble des espèces animales du déluge qui s’annonçait (Genèse chap 6-9).

Chez Story Books, l’Arche est plutôt un refuge onirique, un lieu d’évasion pour fuir la banalité de la vie quotidienne. Un endroit encore protégé et adouci par la nostalgie de l’enfance, loin de la nécessité urgente d’entrer dans le monde implacable de la vie d’adulte.

Ce n’est pas un hasard. Ce groupe se situe en dehors de l’espace et du temps. Géographiquement, ils sont originaires d’une ile du Kent, Isle Of Sheppey, reliée au continent par un pont autoroutier et tristement connue pour ses trois prisons. Et historiquement, ils se situent en marge des modes musicales du moment, et jouent une pop à guitare sombre et mélancolique telle qu’on la pratiquait au début des années 2000 (les premiers Coldplay, Snow Patrol).

C’est un jeune groupe émergent, avec un bagage encore tout léger. Une première démo Peregrine début 2013 qui attire l’attention des décideurs Indie. Une signature chez l’excellent label Communion (Half Moon Run, Catfish & The Bottlemen, Ben Howard, Daughter) pour un premier E.P en avril 2013, Too Much A Hunter. Des concerts remarqués en première partie (Bloc Party et Public Service Broadcasting) et dans des festivals essentiels comme SXSW, Great Escape ou T In The Park.

Et enfin il y a deux mois leur deuxième E.P From Post To Post, produit par Tony Doogan (Belle and Sebastian, Mogwai, Snow Patrol). Il révèle une énorme progression par rapport aux titres de l’an passé. Le son est beaucoup plus ample, panoramique, voire cinématographique. La voix de Kristofer Harris est parfaitement posée, avec juste ce qu’il faut de lyrisme et de retenue dans sa tristesse. Il faut préciser que ce garçon est doté d’une forte crédibilité. Ancien musicien de Laura Marling, il est également producteur à ses heures perdues (Smoke Fairies, Bear’s Den, Matthew & The Atlas).

Bref : de la pop brumeuse et intemporelle, comme on adore en écouter quotidiennement dans notre Musical Box.

Quelques lignes bien méritées et une entrée logique dans notre play-list.

Je profite du départ en vacances de Vanke pour poster un truc pas forcément facile d’accès.

Rien que le nom déjà : The Acid. On imagine des effluves glauques et inquiétantes de marmites de sorcières ou de laboratoires de chimie. Ou alors les effets secondaires de substances psychotropes qui tournent la tête et font voir la vie en rose ou noir.

On retrouve vraiment tous ces éléments dans la musique de The Acid. Du mystère aussi chez ce groupe cosmopolite, un trio qui réunit un Australien au nom énigmatique Ry X , un DJ et producteur de Brighton, Adam Freeland, et le producteur et compositeur Californien Steve Nalepa.

Trois continents différents pour une démarche musicale originale qui sort des autoroutes du mainstream. The Acid empreinte les chemins nettement moins carrossables de la pop minimaliste et de l’électro bancale.

Il faut se laisser dériver sans lutte à l’écoute de Basic Instinct, l’un des titres de leur premier disque, The Acid E.P , sorti chez Infectious et PIAS il y a quelques jours.

Au début, on découvre l’étonnante association d’une guitare qui grince avec les doigts qui glissent sur les cordes et en guise de percussions de clap-hands electroniques et d’une grosse caisse. La voix flotte calmement et susurre de manière indolente et douce. Puis tout décolle avec des harmonies somptueuses pendant que la chanson monte tranquillement en puissance, avant que les effets de distorsion ne tordent l’ensemble dans un bruit de machines infernales.

On tient là un étonnant mélange d’émotions vocales poussées à leur paroxysme et d’une production musicale mystérieuse et spatiale.

Surprenant et joliment onirique. Et superbe.

C’est ce qui s’appelle rater un train. Un comble quand ça vient d’un gars dont le programme radio s’appelle Zistor Express. Mais passons …

Le debut-album de San Fermin est sorti en septembre 2013. Ce qui fait quand même 8 mois! A l’époque on l’avait trop rapidement survolé sans prêter assez attention à ses compositions riches et délicates. Depuis la musique de ce groupe de Brooklyn nous a envahis de manière lente mais inexorable. Il y eut d’abord Bar, propulsé en single cet hiver, qu’on a beaucoup écouté.

Et maintenant voilà Methuselah qui déboule dans toutes les bonnes radios. L’occasion de faire une séance de rattrapage et de révéler à quel point San Fermin est devenu un disque majeur, aussi important à nos yeux que le serait un nouvel opus de Sufjan Stevens et surtout The National.

Car c’est la comparaison la plus pertinente. Comme Matt Berninger, Allen Tate, leur chanteur, possède la gravité d’une belle voix de baryton. Mais chez San Fermin elle est doublée par les voix féminines de Jess Wolfe and Holly Laessig de Lucius. Par rapport à The National, on s’éloigne de la tension urbaine et électrique pour émigrer dans des contrées nettement plus baroques et symphoniques, peuplées d’une foison de sons de pianos, violons et cuivres (22 musiciens ont participé à l’album!).

La San Fermin est une fête mythique célébrée en Espagne, à Pampelune chaque mois de juillet. Hemingway en fait une description sublime dans Le Soleil Se Lève Aussi. Lors de l’Encierro, les taureaux sont lâchés dans les rues qui conduisent vers la Plaza de Toros, où une foule surpeuplée d’aficionados et de touristes obèses essayent de les éviter. Beaucoup de casse, d’émotions, de sueur, de larmes et de sang.

Une intensité douloureuse et épique qu’on retrouve dans la musique de San Fermin. Ellis Ludwig-Leone, songwriter érudit et pilier principal du groupe, brode avec ses nerfs et son cœur une dentelle musicale fragile, surprenante parfois mais toujours bouleversante. Il chante avec beauté et pudeur la nostalgie, l’enfance, les angoisses, les amours déçues.

Indispensable.

Et pour approfondir, le lien vers l’album complet.

Le problème quand on écrit dans un Webzine comme TheMusicalBox, c’est la tendance naturelle à privilégier les découvertes exaltantes et le buzz de l’actualité musicale. On oublie ainsi parfois des valeurs sûres de grande qualité, mais auxquelles on a fini par s’habituer et les considérer comme des vieux meubles confortables.

Réparons aujourd’hui cette injustice avec quelques lignes sur deux excellents albums sortis récemment et hélas négligés dans nos colonnes, alors qu’il s’agit d’artistes importants et qu’en plus on adore.

Damon Albarn d’abord.

C’est un personnage majeur du rock des trente dernières années. Chanteur de Blur, superstar à l’apogée de la Brit-Pop des 90’s, il a poursuivi une carrière exemplaire et hyperactive sous des identités multiples : Rocket Juice & The Moon, The Good The Bad & The Queen, Mali Music, Dr Dee, Monkey : Journey To The West, et bien sûr Gorillaz.

Everyday Robots constitue son premier vrai album solo (il était temps …). Et c’est une merveille. Il est l’aboutissement d’une démarche pleine d’humilité et de pudeur. Damon Albarn est allé chercher l’inspiration en retournant dans les lieux de son enfance à Leytonstone (dont une chorale figure comme invitée sur l’album) et Colchester. Il s’est imprégné de cette nostalgie pour polir des chansons mélancoliques, happy/sad, construites à partir d’arrangements très simples de guitare ou de piano, sur lesquels se greffent des harmonies douces et minimalistes. Richard Russel de XL Recordings, le producteur, réalise un magnifique travail en rajoutant des rythmiques fines et légères pour les finitions. . Il suffit de compléter avec des collaborateurs brillants et inspirés comme Brian Eno et Natasha Khan de Bat For Lashes. Et on tient là un album sans faute, sobre et homogène, qui ne déçoit pas.

Un beau disque de la maturité.

Et puis il faut aussi parler de EELS.

Mark E. revient lui aussi avec un nouveau disque, The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett . Et c’est une bonne surprise. On l’avait quitté rock et sauvage et on le retrouve plus folk et apaisé. Il faut dire que Everett adore prendre ses auditeurs à contrepied et effectuer des virages de style à 180 degrés. Mais finalement on le préfère dans ce registre introspectif, plus chaleureux et ouvert, où la musique se fait plus épurée et caressante. Les textes sont toujours aussi sombres ou ironiques, mais ce nouvel album se laisse découvrir avec plaisir et complicité. Un retour aux sources pour ceux qui ont découvert il y a 15 ans Beautiful Freak ou Daisies of The Galaxy.

Comme Damon Albarn, Eels est un vieux compagnon de nos vies passées, et on se réjouit de les voir tous les deux encore fidèles au poste. D’ailleurs, nous ne sommes manifestement pas les seuls si on regarde les chiffres des charts car ils figurent ensemble dans le top 5 des ventes d’albums.

Un plaisir partagé donc. Et de bonnes raisons pour les faire figurer dans la play-list de notre boite musicale.

Et si on jouait à une petite devinette pour se changer les idées ? Je vous demande de trouver l’intrus parmi les groupes suivants : Radiohead, Alt-J, Foals et… Glass Animals !

Attention il y a évidemment un piège.

Je vous donne un indice : on aurait pu ajouter à la liste Ride, Supergrass, Swervedriver, Talulah gosh ou Young Knives, mais cela n’aurait fait que compliquer la question.

Allez, voilà la bonne réponse : l’intrus c’est Alt-J , seul groupe originaire de Leeds alors que tous les autres sont d’Oxford.

Et notamment, Glass Animals, groupe à la une de notre MusicalBox aujourd’hui.

Dave Bayley, Drew MacFarlane, Edmund Irwin-Singer et Joe Seaward sont des amis d’école et se sont réunis sous la bannière de Glass Animals depuis 2010. Ils avaient pris l’habitude de se retrouver dans The Shed, une cabane secrète dans la forêt, remplie de coussins et de couvertures et devenue leur lieu de répétition.

Leur premier fait de gloire est d’avoir attiré l’attention de l’immense Paul Epworth. Ce producteur emblématique (Bloc Party, Friendly Fires, The Rakes et hem … Adèle) les a choisis pour être la première signature de son label Wolf Tone créé en novembre dernier. Plutôt solide comme caution.

Musicalement il est bien difficile de leur coller une étiquette. S’agit-il de RnB ? D’electro ? De pop ?

Un peu de tout sûrement, mais envisagé selon un angle nettement plus expérimental. Leurs chansons sont accrocheuses, presque soul-pop, mais les instruments tissent un décor musical intriguant et futuriste, à base de synthés, claps, bips et samples fantastiques. On a déjà foulé ces étendues sonores avec Radiohead ou Alt-J, mais c’est peut-être d’Animal Collective dont ils sont les plus proches. Si on enlève aux Américains les mantras hallucinés et qu’on incorpore des thèmes plus orientés vers le dance-floor, on obtient une bonne approche du son de Glass Animals.

Ils n’ ont dans les poches qu’un collier de singles : les balbutiants Black Mambo et The Leaflings E.P, Psylla, leur premier titre chez Wolf Tone paru en novembre 2013, et les plus récents Gooey en mars 2014 et Pools qui vient juste de sortir. Ces deux derniers morceaux montrent à quel point le groupe a progressé. Leur étrange pop reste toujours aussi psychédélique et mystérieuse qu’au début, mais elle parvient maintenant à développer une harmonie puissante et solaire qui leur permet de s’ouvrir à un public plus large.

Expérimentale et universelle. Une démarche pas facile à réussir et pourtant c’est le cas.

Une révélation de l’année ? Leur album Zaba est prévu pour le mois de juin.

Fidélité ! C’est l’un des caractères affirmés de notre MusicalBox.

On aime bien suivre le devenir de nos révélations et coups de cœur du passé. Et il faut bien reconnaitre que nos choix initiaux sont souvent confortés par la suite. Le cas le plus fameux est Alt-J, pour lesquels TheMusicalBox a été l’un des premiers blogs à révéler le talent naissant. Mais au delà de cet énôôôrme succès, il y a des tas de groupes dont on est ravi de vous donner des nouvelles de leur progression.

Vanke reprenait la légende d’une sorcière Suédoise Electro avant-hier. Et voici aujourd’hui la belle histoire musicale d’un couple Londonien.

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En mars 2013, on découvrait avec délectation Elephant, créature sonore d’Amelia Rivas et Chistian Pinchbeck, à l’occasion de la sortie de Skyscraper. Coup de foudre immédiat pour ce single étincelant. Un peu plus d’un an après le duo revient avec son premier album, l’épatant Sky Swimming. Car Elephant ne se sont pas arrêtés en route. Ils poursuivent leur voyage sur le chemin enchanté d’une pop onirique et raffinée.

On pouvait redouter que Skyscraper ne soit qu’un one shot sans lendemain. Crainte non justifiée car la suite de leur travail n’a fait qu’amplifier la chaleur de notre affection à leur égard. Elusive Youth il y a quatre mois, plus rythmé et euphorique, constituait un single magnifique. Et maintenant on découvre Sky Swimming et ses 12 chansons qui vont vite devenir nos meilleures amies du moment.

Elephant parvient à combiner innovation et classicisme dans son écriture musicale. Ils puisent dans les 60’s les essences nostalgiques et le gout sucré des harmonies vocales et de la reverb qu’on entendait chez les Ronettes et les productions de Phil Spector. On discerne aussi des effluves douces et fantomatiques des 80’s comme Everything But The Girl ou Angelo Badalamenti (le soundtrack de Twin Peaks). Mais l’interprétation et la mise en son s’inscrivent bien dans l’air du temps. Duo voix féminine et claviers, effets electro judicieux et discrets, drum-machines parfois hip hop contribuent à installer Elephant dans le monde actuel à proximité de Cults par exemple, autre duo chouchou de notre boite musicale.

L’album sort dans trois jours chez Memphis Industry. Et il est même en streaming pour le découvrir en intégralité. Délicate attention.

Un disque doux et enchanteur.

Comme prévu, voici quelques lignes sur Fear Of Men, pétillante découverte venue d’outre manche.

C’est un duo de Brighton. Une histoire classique : Jessica Weiss (guitare et chant) et Daniel Falvey (guitare) se sont rencontrés sur les bancs de école des Beaux Arts. Ils se réunissent autour de références artistiques multiples et érudites et bien entendu une complicité musicale. Leur premier album Early Fragments, compilation des premiers singles sort en avril 2013 chez Kanine Records (Chairlift, Grizzly Bear).

Paru il y a deux jours, Loom est leur véritable premier L.P . Qu’il s’agisse de la production ou de l’artwork, tout est autogéré par le groupe, qui veut absolument garder le contrôle selon un DIY exigeant. Le disque voit également l’adjonction d’un batteur, Michael Miles et d’une bassiste Becky Wilkie.

Fear Of Men parvient a éviter le cliché du binôme associant une belle voix éthérée à des parties instrumentales besognieuses. Si la voix de Jennifer Weiss résonne de manière cristalline et douce au premier plan, c’est pour mieux chanter des textes tortueux et vénéneux qui parlent de mort, de névroses et d’angoisse. Ne pas se fier à l’aspect extérieur sucré et enluminé par les guitares jingle-jangle à la manière des Smiths . Le contenu de leur musique est austère, mélancolique, rempli d’amertume et de tristesse. Derrière l’apparent romantisme se cachent des ténèbres brumeuses, celles hantées il y a longtemps par Young Marble Giants.

Un mélange sucré salé qu’on a toujours adoré et célébré dans TheMusicalBox. Et qu’on déguste une fois de plus avec un grand plaisir sur le long format d’un album comme Loom.

Voilà un disque très attendu au tournant : Days Of Abandon, le troisième album de Pains of Being Pure At Heart.

On était resté sans nouvelle d’eux depuis 2011 et Belong, produit par Flood & Alan Moulder, deuxième album brillant qui hissait leur shoegaze mélodique et poignant dans le peloton des meilleurs espoirs du rock U.S. Trois ans après, ce disque n’a pas pris une ride. Pour s’en convaincre, il suffit de réécouter l’un de ses sommets : Heart in Your Heartbreak.

Les dernières infos parvenues à leur sujet étaient plutôt préoccupantes. Le line-up du groupe a explosé, et s’est recentré sur Kip Berman, chanteur et songwriter, seul membre originel restant. Il utilise en studio de nombreux musiciens : les anciens Pains of … Alex Naidus (basse) et Kurt Feldman (batterie), Jen Goma de A Sunny Day in Glasgow, ou Kelly Pratt (Beirut, David Byrne & St. Vincent). En live le groupe a une autre formule : les frères Christoph et Anton Hochheim, ex Pains of …, Jacob Sloan (The Hairs), avec des apparitions de Jen Goma, Drew Citron (Frankie Rose) et Jessica Weiss (Fear Of Men, un groupe dont il faudra que je vous parle bientôt). Une vraie tribu …

Pour Days Of Abandon, Kip Berman a décidé de lâcher du lest. Moins de guitares saturées, de reverb, de bruit et de puissance, et à l’opposé la volonté d’écrire des chansons plus légères, acoustiques et susceptibles de devenir intemporelles comme celles d’Aztec Camera ou Everything But The Girl. Voilà des références qui nous touchent directement, rock critiques de l’ancien siècle …

Le disque est produit par Andy Savours, qui a déjà travaillé avec The Kills, Sigur Ros ou My Bloody Valentine.

L’album est-il à la hauteur de ses espérances ? Et bien oui sans aucun doute. Autant le single paru en février Simple and Sure peinait à nous convaincre, trop fade et sans caractère, autant l’ensemble de l’album est une belle réussite. Il ne faut surtout pas chercher à y retrouver les brumes noires et l’atmosphère triste et pesante de Belong. Sortez les chemises à fleurs et les tenues de pique nique de printemps. L’ambiance de Days Of Abandon est florale, presque champêtre et bucolique. On y découvre des balades paisibles (Art Smock, Coral & Gold), de somptueuses symphonies (The Asp in My Cheet, proche de Beirut), et même des hymnes pour la scène (Eurydice, Simple and sure, Until the sun explodes). Mais plus que jamais c’est surtout la qualité d’écriture de Kip Berman qui apparait éclatante dans des merveilles de pop songs : les guitares jangle cristallines de Masokissed, les arrangements vocaux et de cuivres à la Pale Fountains de Life after life ou Beautiful You, belle à pleurer comme du Smiths. Il émane de toutes ces chansons une sacrée cohérence qui les relie les unes aux autres pour en faire un vrai album, complet et abouti.

A la fois différent et complémentaire des précédents opus de Pains of Being Pure At Heart, Days Of Abandon est un disque délicat et aérien qui nous touche beaucoup.

Une métamorphose réussie.

Histoire d’une épiphanie.

Les endorphines sont des substances naturelles secrétées par l’organisme lors des efforts physiques. Analogues chimiques de la morphine ou de l’opium, elles en partagent les effets euphorisants et apaisants. Elles sont aussi produites en grande quantité lors de l’orgasme.

De là à en faire un moyen d’éveiller la sensibilité de notre cerveau à la musique, il y a un grand pas. Que nous avons cependant franchi !

Quand après 1h15 de footing hier, et donc en plein pic de décharge d’endorphines, je suis tombé par hasard sur le Modulate de We Have Band, l’effet opioïde a fonctionné à fond. Une vague de sensations agréables !

Une intro de claviers cristallins précède un rythme de basse batterie disco détraqué sur lequel une voix coquine chantonne le couplet. Puis survient l’extase dans un refrain de mantras lancinants, incantatoires et hallucinés, à la fois givrés et d’une tristesse déchirante. Beau mélange de sentiments contrastés, amplifiés par les drogues endogènes résultant d’une longue course à pied dans un cadre paradisiaque. Un cocktail de bonheur ! Paix et Amour …

We Have Band est un trio Anglais, originaire de Manchester et Londres. Darren, Thomas et Dede se sont réunis en avril 2008 autour d’une passion commune pour l’electro-dance tourmentée, sorte de disco dépressive ou de punk-funk. Après s’être fait connaitre sur scène, ils confirment sur disque. Premier single , Oh en novembre 2008 ; Premier album WHB à l’automne 2009, produit par Gareth Jones. Deuxième album Ternion en janvier 2012, salué dans nos colonnes par le Vanke qui en fait ses chouchous.

Le troisième album du trio s’appelle Movements et parait le 28 avril chez Naive. Produit par Tim Goldsworthy (DFA, LCD Soundsystem), il a été enregistré dans leur studio de l’East London. Pas de surprise, c’est un disque résolument orienté vers le dance-floor, fait pour bouger (d’où le titre Movements), mais qui ne fait pas que solliciter les pieds et les bras. Il s’adresse aussi directement à l’âme avec des chansons au contenu débordant d’émotions.

Sensible et sudoripare. On adore.


Le retour de Timber Timbre est une nouvelle plutôt réjouissante.

Creep on creepin’on fut un de nos disques chéris en 2011, au point d’en faire l’album de l’année. La sortie de son successeur Hot Dreams est donc un évènement à la fois attendu et redouté. Parviendra-t-il à retrouver le même niveau d’excellence ?

De manière évidente, la musique des Canadiens a évolué depuis ces trois ans. Hot Dreams, cinquième album du groupe, est fortement imprégné des musiques de cinéma de David Lynch ou Ennio Morricone. Taylor Kirk, leader et chanteur du groupe, s’était d’ailleurs essayé au genre avec l’écriture en 2013 de la B.O.F de The Last Exorcism Part II, sans réussite puisque son projet avait été rejeté par la production du film.

Mais au delà du côté très cinégénique des ambiances de ce disque, on perçoit aussi une forme de radicalisation. Finies les jolies cascades de cordes et la tendresse chaleureuse des effets de reverb de la voix de Taylor Kirk. Place désormais à un chant plus brut et nu, plus roots, soutenu par des arrangements de guitares et claviers vintages dissonants avec des effets désaccordés (mellotron, theremin, harpsichord). C’est une musique fantomatique et ténébreuse pour faire valser dans un dance-hall hanté, des spectres et des créatures de cauchemar. Kirk vient placer en offrande sa voix de baryton sur les monuments funéraires d’Elvis et de Johnny Cash. Timber Timbre a décapé ses belles balades au papier de verre, en frottant bien jusqu’à la corde pour n’en garder que la trame la plus minimaliste.

Accueillir ce nouveau disque en parlant de déception serait très sévère. Il va par contre être nécessaire de prendre son temps pour l’explorer, de répéter les écoutes pour réussir à l’apprivoiser et parvenir à se laisser entrainer dans le monde tourmenté et étrange de Taylor Kirk.

Ténébreux et crépusculaire.

Voilà un groupe qu’on suit de très près dans TheMusicalBox.

Cloud Nothings réussissent l’exploit de nous fédérer, moi et Vanke, autour de leur impressionnant rock speedé et sonique.

Il y a deux ans, on vous signalait l’excellence de ce quatuor de Cleveland, Ohio, qui est devenu maintenant un trio depuis le départ du guitariste Joe Boyer. A l’époque, c’est l’album Attack on Memory qui nous avait enthousiasmé.

Et bien ils reviennent en ce printemps 2014, avec un nouvel album, Here And Nowhere Else, qui vient de sortir chez Carpark Records et Wichita en Europe. Ce disque 8 titres a été enregistré à Hoboken par John Congleton, un producteur dont nous avons salué le travail sur le dernier St. Vincent.

En deux ans, le groupe a énormément progressé et manifestement cherché à discipliner sa musique. Moins brut de décoffrage et punk que Attack On Memory, Here And Nowhere Else voit le leader et chanteur Dylan Baldi épanouir son écriture dans des chansons immédiatement accrocheuses et presque power-pop. Bon d’accord ce n’est pas encore Weezer. Les morceaux gardent une sauvagerie et un mur du son qui secoue encore l’auditeur. Mais l’ensemble de l’album tend vers un équilibre parfait entre l’énergie et la mélodie, entre le bruit et l’harmonie. On peut presque s’attendre à les voir conquérir les charts et jouer dans des stades dans les mois qui viennent. Qui l’aurait cru il y a seulement deux ans ?

Pour vous en convaincre, écoutez vite et fort I’m Not Part Of Me. Un tube instantané qui déboule sur un tempo effréné, avec une guitare simple et puissante et des vocaux irrésistibles. Une brillante étincelle de pur rock qui hisse Cloud Nothings tout en haut de l’affiche.

Et ça nous fait très plaisir …

C’est la première grosse pointure musicale à dégainer en 2014. Il était temps ! Après une incroyable année 2013 si fertile en grands disques on commençait à désespérer …

The Black Keys annoncent leur prochain album, baptisé Turn Blue, le 13 mai. Et pour nous faire patienter jusque là ils diffusent un premier extrait : Fever.

On a sévèrement usé le CD de El Camino, disque majeur de l’année 2011, écouté en boucle à l’époque, et qui même deux ans après n’a pas pris une ride de ringardise. Pour s’en convaincre il suffit de réécouter Nova Baby, Sister ou le célébrissime Lonely Boy. Le succès planétaire de ce septième album, disque de platine sur tous les continents, a propulsé le groupe en tête d’affiche de tous les plus grands festivals mondiaux et les a installés parmi les groupes essentiels d’aujourd’hui.
C’est un résultat finalement assez surprenant car Dan Auerbach et Patrick Carney sont restés adeptes d’une démarche sans compromis. Ils continuent de jouer en duo batterie guitare un fond musical qui est surtout du blues de Nashville mijoté avec des ingrédients plus modernes.

Comme El Camino, Turn Blue est produit par Danger Mouse et a été enregistré à Los Angeles, dans le Michigan et à Nashville. Et comme le précédent, c’est un disque composé et construit d’une manière intuitive et spontanée, selon l’humeur du moment, directement en studio. De nombreux éléments de la musique U.S de ces trente dernières années s’y retrouvent broyés, digérés et recyclés : le blues du delta, le funk, les bandes originales de films policiers, la country, la pop west-coast des 70’s, le rock sudiste de Creedence Clearwater Revival ou même des chansons d’amour pop british façon Beatles ou Kinks.

Avec Fever on a affaire à une chanson résolument pop. Sur une base pratiquement electro se développe ce qui constitue un véritable tube, avec le petit gimmick qui tue à l’orgue 70’s, les vocaux entêtants de falsetto de Dan Auerbach, et l’embrasement final du morceau dans un beau phasing très 60’s.

Rien à redire à cette démonstration magistrale. Juste attendre la parution de l’album en comptant les jours qui restent …

Et si vous voulez vous marrer un peu, voici le trailer de l’album, loufoque et glauque à souhait, digne d’un cauchemar dans un film de David Lynch.

Le Chabada est une institution culturelle phare de la ville d’Angers. Salle de concert à la programmation curieuse et érudite, c’est aussi une structure qui accueille et conseille les jeunes groupes de la région Angevine. Sur leur site, on a pu lire un post chaleureux sur TheMusicalBox, dans lequel l’auteur remarquait nos articles sur l’actualité des anciennes gloires du passé.

En voici certainement un bon exemple aujourd’hui, puisque je vais vous donner des nouvelles de la renaissance de véritables disparus : The Woodentops.

C’est un article d’une saveur très particulière, qui mêle émotion et nostalgie. Car The Woodentops est un groupe qui figure en bonne place au Panthéon de mes groupes préférés de tous les temps.
Leur formidable pop-folk-punk-funk sautillante et speedée, portée par la personnalité hors norme de Rolo Mc Ginty leur enthousiaste et emblématique chanteur, sidérante d’énergie et de ferveur sur scène, avait constitué un de nos grands bonheurs de l’année 1986. Leur album Giant est l’un des dix que j’emmènerais sur une ile déserte, selon l’image habituelle (et maintenant un peu dépassée à l’époque des clé usb et des clouds).

Hélas le groupe avait disparu des écrans radars depuis leur séparation en 1988. Rolo McGinty s’était reconverti en DJ et on n’avait plus entendu parler du groupe depuis 26 ans, hormis des concerts anecdotiques en 2006 et 2009 et une intégrale sortie l’année dernière sous la forme d’un coffret, Before During After.

Alors, la nouvelle d’un retour des Woodentops en 2014 est forcément un évènement majeur. Les rock-critiques s’embrasent. Quand en plus on lit sous la plume de JD Beauvallet dans Les Inrocks « les Woodentops sont de retour avec douze nouvelles chansons et un son indemne » , l’impatience atteint des sommets.

Leur nouvel album s’appelle Granular Tales et vient de paraitre chez Cherry Red.

Est-ce vraiment une résurrection ?

Inutile de se faire des idées. La réponse est négative. Ceux qui essaieront de retrouver la fraicheur, l’énergie inépuisable et la fougue d’il y a 25 ans seront forcément déçus. Rolo et sa bande ont vieilli d’un quart de siècle et ne jouent plus de la même manière. C’est normal. Benny Staples, le phénomènal batteur qui jouait debout et à une vitesse inhumaine n’est plus là. Rolo McGinty est moins véloce dans son jeu de guitare. Par conséquent le tempo a nettement ralenti. Mais surtout c’est la voix de Rolo qui a évolué, plus rauque et grave, loin de l’incandescence du passé.

Pour autant leurs nouvelles chansons sont plutôt bonnes. De la gravité solennelle de A Little More Time à la rutilante Every Step of The Way, en passant par les choeurs bondissants de A Pact ou le reggae de Conversations, on reconnait bien la qualité de l’écriture des Woodentops. Ils ont simplement muri et évolué dans un registre plus sage et discipliné, en un mot plus classique.

Si on oublie les étincelles de leur passé glorieux et surtout si on ne cherche pas à les revoir briller à tout prix dans ce nouveau disque, Granular Tales est un disque plutôt réussi et plaisant, dont l’harmonie devient contagieuse au fur et à mesure des écoutes.

Pas de résurrection donc, mais une nouvelle rencontre très agréable avec de vieux amis qu’on ne croyait plus revoir.

Encore une découverte aujourd’hui dans TheMusicalBox. Mais contrairement à la précédente, il ne s’agit pas vraiment de la révélation d’une inconnue.

Broken Records, dont on ne fait la connaissance que maintenant avec leur Toska E.P, est en fait un groupe assez ancien.

Originaires d’Edinburgh, ils sévissent depuis 2006. Il est plutôt surprenant de ne pas avoir entendu parler d’eux jusqu’à présent, car leurs deux premiers albums Until the Earth Begins to Part (2009) et Let Me Come Home (2010) sont parus chez 4AD, une vitrine musicale régulièrement admirée et suivie de près. Pourtant, Broken Records ont préféré prendre la porte de sortie et quitter l’illustre label il y a deux ans, pour retrouver le contrôle de leur agenda et de leur production musicale. Cette décision a permis au groupe de prendre six longs mois pour enregistrer à son rythme le troisième album. Il n’est pas encore paru, mais un premier E.P quatre titres en est déjà extrait depuis deux jours.

Toska est une somptueuse chanson. Entre les notes de piano et les nappes de cordes, la voix du chanteur s’insère en douceur au départ, avant qu’une syncope de rythme envoie tout balader. L’ensemble se hisse ensuite à une altitude vertigineuse, avec une basse étonnante, des tourbillons de violons, un lyrisme et une intensité dans le chant de Jamie Sutherland, au timbre proche de Paul Banks d’Interpol. Mais musicalement on pense plutôt à The National ou Arcade Fire, pour leur capacité à mettre une force dévastatrice dans des chansons d’apparence tamisée et pudique.

C’est mon gros coup de coeur du moment. Ecoutez vite cette merveille et faites passer autour de vous.

Marika Hackman est une jeune femme à laquelle on commence à s’attacher fortement.

La première rencontre sonore date d’il y a un an environ, par l’intermédiaire de Bath Is Black. Ce titre provenait du mini album That Iron Taste, produit par Charlie Andrew (Alt-J), deuxième disque de Marika Hackman après le Free Covers E.P paru en janvier 2013.

Rien de révolutionnaire dans l’univers musical folk et paisible de cette jeune songwriter (22 ans). On perçoit beaucoup de simplicité, de dénuement, dans les arpèges de guitare et les notes de claviers crépusculaires. Mais surtout on découvre une voix magnifique, à la maturité étonnante d’une Suzanne Vega ou Nico, et d’une douceur moelleuse et sucrée. Coup de foudre immédiat.

Après des mois d’écoute, on craignait de se lasser ou d’être déçu par les chansons ultérieures de l’Anglaise (elle est née dans le Hampshire). Mais la suite fut une bonne surprise : non seulement les nouveaux morceaux n’ont pas déçu, mais en plus ils marquent une jolie progression vers un niveau supérieur. Ecoutez Cinnamon, paru sur le Sugar Blind E.P en décembre dernier. Marika place divinement sa voix et laisse libre cours à son chant qui se répand dans l’espace avec détermination et délicatesse. Elle joue seule de tous les instruments depuis la batterie jusqu’à la guitare, en passant par la basse et le piano. L’orchestration est plus sophistiquée tout en parvenant à préserver son côté humble et discret. Syd Barrett croise Chan Marshall (Cat Power).

Même mon acolyte Vanke cède sous le charme et la programme régulièrement à son tour dans son Maxiton Sound.

Aujourd’hui, l’histoire continue. Marika Hackman publie Deep Green.

Annoncée par les percussions tribales d’une messe noire au fin fond de la forêt, la chanson s’illumine avec l’apparition de la voix de Marika, à la fois spatiale et très proche, qui associe un écho cristallin à un timbre de girl next door. Le résultat est tantôt très lointain avec un côté ésotérique et tantôt super proche avec l’impression qu’elle murmure à notre oreille. Et en tout cas la formule magique fonctionne à merveille et séduit vraiment.

Marika Hackman est en train de passer du statut de toute jeune nu-folk singer à celui de reine céleste de notre printemps.

C’est un retour qui suscite un grand plaisir chez tous les anciens combattants du rock du début des années 90 : JAMES revient parmi nous !

Depuis bien longtemps, on n’attendait plus rien de ce groupe étincelant du siècle dernier et la nouvelle semble incroyable. James va publier le 2 juin son treizième album baptisé La Petite Mort. Et pour patienter jusque là le groupe vient de diffuser Frozen Britain, premier single extrait du disque.

Ouvrons notre cahier d’Histoire du rock à la lettre J pour réviser ce grand classique qu’est James. Le groupe apparait à la fin des années 80 à Manchester, concurrence locale aux Smiths de Morrisey dont ils avaient d’ailleurs assuré la première partie pour la tournée Meat Is Murder en 1985. Malgré de multiples galères financières, d’abus de substances illicites, de trop nombreux changements de musiciens et même d’endoctrinement dans une secte, les Mancuniens finissent par rencontrer un réel succès. Sur scène d’abord, où ils parviennent toujours à se transcender et à bonifier leurs chansons par rapport aux enregistrements studio, dopés par la présence solaire du charismatique chanteur Tim Booth. Et également sur disque, avec notamment l’ébouriffant troisième album Gold Mother, paru en 1990 en pleine émergence de la scène Madchester, à laquelle ils seront associés assez rapidement. C’est l’époque de Sit Down, Come Home et How Was It For You, qui deviennent de véritables hymnes de légende, perles de pop fragile, bourrées d’émotion et de ferveur incandescente.

Ils confirment ensuite leur talent avec un autre album en 1992, l’excellent Seven, et puis c’est une lente descente aux fond des oubliettes, précipitée par les départs des uns et les projets expérimentaux des autres. A part She’s a star en 1997 sur l’album Whiplash, plus grand chose à signaler. C’est la séparation du groupe en 2001.

Après six longues années de silence, James se reforme en 2007 pour une série de concerts prestigieux, et enchaine avec un album en 2008, l’anonyme Hey Ma, puis deux E.P en 2010 The Night Before et the Morning After.

La Petite Mort est donc le premier album de James depuis quatre ans. Il a été écrit et enregistré durant ces deux dernières années entre Londres, L’Ecosse, Lisbonne, Athènes et bien entendu leur hometown de Manchester. La production est assurée par Max Dingel (The Killers, Muse, White Lies). Les compositions de Tim Booth ont été très marquées par le drame personnel de la disparition de sa mère. L’album contient dix titres, déjà testés pour la plupart sur les scènes de leur dernière tournée : Walk Like You, Curse Curse, Moving On, Gone Baby Gone, Frozen Britain, Interrogation, Bitter Virtue, All In My Mind, Quicken The Dead et All I’m Saying.

La bonne surprise, c’est que Frozen Britain, première piste rendue publique, sonne plutôt agréablement. Production classieuse, arrangements parfaitement équilibrés sans aucun superflu ni excès de gras ou d’effet pyrotechnique, et toujours la voix inimitable de Tim Booth, lyrique aérienne et audacieuse, il n’en fallait pas plus pour succomber sous le charme de ces vieux amis de vingt cinq ans, toujours fidèles au poste.

TheMusicalBox leur ouvre grand ses portes, avec reconnaissance.