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Daughter

La sortie du deuxième album est très souvent une épreuve de vérité dans la carrière d’un groupe. C’est le moment décisif et cruel où des ambitions artistiques se révèlent, mais aussi où la médiocrité ne peut plus être dissimulée, et où s’écroulent parfois les espoirs des fans du premier album, définitivement déçus.

Dans le cas de Daughter le risque d’effondrement apparait encore plus grand. Voilà Elena Tonra, une jeune artiste à peine sortie de sa prestigieuse Ecole d’Art qui dès son premier album déclenche des torrents de louanges et se retrouve dans le top 20 des charts. En plus avec un répertoire musical d’une infime fragilité, brodant des dentelles de pop minimaliste qu’on redoute tellement de voir tomber en lambeaux au fil du temps.

Bref l’annonce de Not To Disappear, second opus du trio, suscite un mélange d’attente curieuse et d’inquiétude, à l’idée de voir se dégonfler puis s’écraser depuis la stratosphère, la mongolfière Daughter.

Et bien qu’on se rassure : ce n’est pas du tout le cas ! Doing The Right Thing, premier single extrait du nouvel album, est un des meilleurs morceaux de Daughter. Le groupe a nettement élevé son niveau et gagné en envergure, en épaisseur. La voix de Elena Tonra est toujours aussi majestueuse, douce et émouvante. Elle est désormais devenue une chanteuse majeure de ces dernières années, et enchantera les âmes sensibles qui ont déjà pu succomber aux charmes de Bjork ou Beach House. En contrepoint idéal, les arrangements musicaux se sont aussi étoffés. Les guitares de Igor Haefeli et la batterie de Remi Aguilella sculptent leur matière sonore en un ensemble solide et organique qui se positionne très loin des balbutiements timides des anciens titres. Voilà une chanson sophistiquée et envoutante, qui aborde la tristesse de la démence d’Alzheimer et déborde d’émotion.

L’album a été enregistré durant l’été dans le studio de Nicolas Vernhes (Deerhunter, War On Drugs, Animal Collective) à Brooklyn.

On ne va pas essayer de le cacher : Daughter est un de nos premiers coups de foudre. Bien avant qu’ils commencent à rencontrer le succès, TheMusicalBox en faisait un grand espoir pour l’avenir. C’était il y a quatre ans. Depuis le trio a conquis le monde avec If You Leave en 2013. On se souvient même avoir vénéré et programmé la troublante cover de Get Lucky de Daft Punk en « heavy rotation » sur notre programme radio.

C’est donc un immense bonheur de souligner les progrès encore accomplis par les Londoniens qui accèdent aujourd’hui à la Premiere League du rock.

Il faudra quand même patienter jusqu’en janvier pour découvrir l’intégralité de l’album Not To Disappear. Ça va être long …

Not To Disappear tracklist:

01 “New Ways”
02 “Numbers”
03 “Doing The Right Thing”
04 “How”
05 “Mothers”
06 “Alone / With You”
07 “No Care”
08 “To Belong”
09 “Fossa”
10 “Made Of Stone”

sortie le 15 janvier 2016 chez 4AD/Glassnote

Lanterns on the Lake

L’automne est rarement synonyme de bonnes nouvelles. Alors autant en profiter et savourer l’annonce du retour de Lanterns On The Lake. Après deux ans de silence le quatuor Anglais revient en effet avec un troisième album, Beings, qui parait le 13 novembre chez Bella Union. Une sortie qui nous réjouit forcément , ce groupe ayant toujours réussi à faire vibrer notre corde sensible, à nous émouvoir avec un rock atmosphérique, sombre, onirique et … automnal !

Ce nouvel opus a été soigneusement mis au point dans leur propre studio à Newcastle. Enregistré dans la sérénité de l’isolement, sans pression ni influence extérieures, fort de la grande complicité musicale des quatre musiciens et nourri d’une inspiration profuse et décomplexée, Beings est auto-produit par le guitariste Paul Gregory. Il marque une évolution du son de Lanterns on the Lake vers une ambiance plus dense et sauvage.

Les chansons elles-même sont plus sombres, en colère, à l’image de Faultlines le premier single. Chanté divinement par la troublante Hazel Wilde, ce morceau est pourtant, dans le contenu de ses textes, une véritable mobilisation générale contre la politique d’austérité économique. On apprécie le contraste parfait entre la rythmique martiale de batterie et les arpèges aériens du piano ou les nappes de cordes cinématiques des claviers. La lourde pulsation des tambours fait s’envoler en tournoyant les volutes cotonneuses des arrangements mélodiques. Mais attention la révolte est là, qui gronde.

Enfin le grand soir pour Lanterns on the Lake ?

Darkstar

On ne présente plus Warp Records. Depuis 1989 (un quart de siècle déjà), cette maison de disques assure une production musicale haut de gamme qui conjugue exigence artistique et créativité (au hasard d’Aphex Twin à Maximo Park, de Boards Of Canada à LoneLady)

C’est encore le cas avec nos héros du jour. Darkstar incarne parfaitement l’esprit Warp. Leur nouvel album Foam Island est un condensé de pop électronique qui n’oublie jamais de rester audacieuse.

Le trio a perdu le chanteur James Buttery pour revenir au line-up originel de leurs tout premiers singles en 2007, à savoir James Young et Aiden Whalley. Leur démarche artistique a également évolué de manière sensible. Si le son reste résolument pop-électro, idéal pour les clubs, les thèmes abordés dans leurs chansons sont fortement marqués par le contexte social dans lequel elles ont été écrites. Celui de la région de Huddersfield, au nord de l’Angleterre, dont la jeunesse est sinistrée par la crise de ces dernières années. Foam Island essaye de témoigner musicalement de ce que peut être la vie de ces jeunes Nordistes, les galères comme les joies.

Mais ne surtout pas y voir un pur pamphlet politico social. Le contenu musical est brillant et irrésistible. Il suffit d’écouter par exemple Stoke The Fire. Les arrangements de synthés et drums machines sculpent une superbe bombe de dance music. Aiden Whalley chante tout en retenue ce qui pourrait bien constituer le tube enchanteur pour conquérir les dance-floors planétaires. C’est à la fois fragile et rayonnant, déglingué et rutilant.

La grande classe.

richard hawley

Honneur aujourd’hui à un personnage inhabituel de nos chroniques : le Crooner.

Rassurez vous il n’est pas question de se pâmer devant les roucoulades bêlantes d’un bel hidalgo ni les sérénades mièvres d’un chanteur de cabaret en smoking. Non, on parle d’un vrai « Crooner Rock ».

Richard Hawley possède le CV parfait pour le rôle. Originaire de Sheffield, berceau du rock du Nord de l’Angleterre, il a joué chez Pulp et côtoyé les artistes locaux comme par exemple Arctic Monkeys, avec qui il est monté sur scène à de nombreuses reprises.

Son précédent disque Standing at the Sky’s Edge, pourtant un best-seller, nous avait un peu laissé sur notre faim en 2012. Hollow Meadows, son successeur et huitième album, ranime la flamme et nous réconcilie avec ce garçon hors norme et ses chansons sensibles et brise-coeur. Le chanteur opére un savant équilibre entre des ballades d’obédience 50’s, sa marque de fabrication, et un traitement sonore d’orfèvre, à base de guitare, cordes et piano qui fait parfois penser à Nick Cave (The world looks down, Tuesday PM). Les guitares vintage au son très reverb sont jouées avec profondeur et délicatesse, et créent une patine qui habille les chansons toujours douces et amères de Richard Hawley, mais aussi ses jaillissements pop (Which Way, le Smithien Sometimes I Feel) voire carrément classic-rock US(Long Time Down). Les amis et voisins viennent apporter leur pierre à l’édifice. Nancy Kerr joue du violon. Martin Simpson du banjo et de la slide-guitar. Rebecca Taylor de Slow Club fait des chœurs. Et Jarvis Cocker empoigne la basse sur le bien nommé Nothing Like A Friend.

L’ensemble de cet album est totalement imprégné de vulnérabilité, de mélancolie. Il suscite la compassion sereine, l’apaisement.

Comme il ne faut garder qu’une chanson, ce sera finalement Heart Of Oak, épique et aérien, où la voix de Richard Hawley s’exprime dans un registre caverneux tapissé de velours. Un régal.

Inheaven

Drôle d’impression : en découvrant le Bitter Town de Inheaven, on jurerait entendre un groupe plutôt expérimenté, muri par un passé riche de plusieurs albums. Il y a chez eux une telle maturité artistique, une brillante maitrise d’un shoegaze-rock racé et puissant , un style de chant sûr, bien posé, à la voix marquée par les années.

Et pourtant ce n’est que le deuxième single d’un tout jeune groupe du Sud-Est de Londres ! C’est un sentiment déjà éprouvé, la surprise et l’admiration béate devant le talent et le professionnalisme des newbies Anglais.

Inheaven est un quartet : James Taylor (chant, guitare, synthés), Chloe Little (basse, chant), Jack McGruer (drums) et Jake (guitare). Leur premier single Regeneration date d’il y a 6 mois. Il est publié chez Cult Records, le label de Julian Casablancas des Strokes, devenu leur plus fervent supporter. Il faut dire qu’il existe une parenté lointaine avec les New Yorkais dans le punk-rock atmosphérique des Londoniens.

Sur ce titre on reconnait un peu de Strokes, de LCD Soundsystem, du early-U2, mais c’est surtout Jesus & The Mary Chain qui vient à l’esprit à leur propos. Même penchant pour les guitares crades et crépusculaires, pour les ambiances bilieuses et noires, et même façon de chanter grinçante et distanciée.

C’est particulièrement net sur le nouveau single Bitter Town. L’ambiance est très 80’s pour cette chanson idéale pour ressortir le perfecto de la malle du grenier. En plus des fantômes des frères Reid, on pense aux envolées de Echo & The Bunnymen et de façon plus générale à tout l’indie-rock de la fin du siècle dernier, dont la colère et la rage s’exprimaient alors dans un déluge de guitares. Le petit plus offert par Inheaven est leur habileté à placer des harmonies vocales au dessus du tumulte sonique, qui éclairent le grondement de la batterie et de la reverb, notamment la voix féminine de la blondinette Chloé Little qui adoucit et équilibre l’ensemble.

Bitter Town est un véritable hymne et annonce de probables lendemains qui chantent pour Inheaven.

Très prometteur…

Sortie le 30 Octobre chez Hometown Records.

Diiv

Le grand retour de DIIV est une nouvelle qui nous ravit. On ne l’attendait plus trop, acceptant déjà l’idée de la possible disparition prématurée du groupe.

Et pourtant le quatuor New Yorkais remontre le bout de son nez en cet automne 2015 avec un nouveau single et la promesse d ‘un album à suivre, le premier depuis trois longues années. Leur dernier disque, Oshin, en 2012, est devenu un véritable trésor caché, gardant dans un anonymat injuste dix chansons-pépites de pop minimaliste et attachante centrées sur de somptueux effets de guitares. On le réécoute encore aujourd’hui avec un plaisir non dissimulé.

Depuis, Cole Smith, frontman du groupe, a plutôt défrayé la chronique mondaine entre histoire d’amour avec Sky Ferreira, démêlés avec la police pour consommation de substances illicites et conduite sans permis, mannequinat et déclarations provocatrices. Côté artistique ce n’est guère mieux avec le plantage de l’enregistrement des nouveaux titres de Diiv à San Francisco en compagnie de l’ex-Girls Chet White.

Autant dire que la découverte de Dopamine, premier titre extrait de l’album Is The Is Are est vraiment rassurante. Le disque a été enregistré au printemps avec Daniel Schlett (déjà ingénieur du son pour Oshin) dans le Strange Weather Recording Studio à Brooklyn. Il est annoncé pour l’automne et parait chez Captured Tracks le meilleur label du monde

Dopamine reprend les choses là où Oshin les avait laissées. Du rock moderne, avec de la vivacité, de la simplicité dans la construction rythmique, des guitares qui tourbillonnent dans des volutes d’effets aériens. Les vocaux sont plus posés, moins sauvages, avec une assurance qui se manifeste jusque dans les chœurs. L’ambiance est à la fois speedée et onirique. Hypnotique.

Diiv est de retour dans votre MusicalBox.

LOW Band Photo

LOW Band Photo

Les groupes de plus de vingt ans d’âge ne courent pas les rues. Et si on cherche parmi eux, ceux qui sont parvenus à préserver leur qualité artistique durant toutes ces années , ils se comptent alors sur les doigts d’une main !

Low est de ceux-là. 22 ans de carrière. Depuis leurs débuts à Duluth, Minesotta, Alan Sparhawk et Mimi Parker (rejoints en 2007 par l’actuel bassiste Steve Garrington) ont donné le jour à dix albums. Leurs chansons n’ont jamais vraiment rencontré le succès du grand public, mais elles ont bouleversé des cœurs et sauvé des vies. Dans un esprit d’exigence et d’indépendance, leur démarche artistique est souvent appelée « slowcore« . Une pop lente, post-rock, post-folk, ultra minimaliste, qui écorche le cuir de la peau et gratte jusqu’à l’os. Des morceaux sombres où la lumière ne brille jamais, voilée par le trop plein d’émotions et la fragilité dépressive d’Alan Sparhawk.

Ones And Sixes est le onzième album de Low. Et c’est un de leurs meilleurs !

On y perçoit un changement assez net avec l’utilisation d’instruments électroniques qui apportent une énergie rythmique inhabituelle. Les vieux fans historiques vont sans doute hurler à la lune. On ne peut pourtant que féliciter le trio de ne pas s’auto-parodier et d’essayer d’ajouter d’autres outils à sa palette sonore.

Le résultat est un très bel album, marqué par la noirceur, couleur du deuil pour Alan Sparhawk très touché par la perte récente de son père. Les arrangements sont râpeux, sans concession, et enveloppent d’un écrin gris les chansons pleines de la rage d’un song-writing visionnaire, angoissé, mais d’une honnêteté désarmante. Low nous fait passer en quelques minutes du rire aux larmes, du jour à la nuit, au fil de ses comptines en montagnes russes émotionnelles.

Le disque a été enregistré avec le producteur BJ Burton (Poliça, Sylvan Esso) dans le Wisconsin, au April Base Studios de Justin Vernon à Eau Claire.

Il est sorti chez Sub Pop depuis le 11 septembre … Forcément.



hunck

Rubrique « nouvelles têtes » aujourd’hui, avec la découverte de Hunck. Ce quintet Londonien formé l’an passé crée un étonnant univers musical qui allie avec brio le rock slacker et la dream-pop.

Frederik Tyson-Brown et Thomas Wykes, deux amis d’enfance qui s’étaient perdus de vue, se retrouvent en 2013 à Tottenham au nord de Londres et décident de jouer ensemble. Après avoir débuté par des reprises des crooners Al Bowlly ou Frank Sinatra, ils publient leur premier E.P sous forme de cassette, Something Missing en 2014. Le groupe s’étoffe ensuite avec les arrivées d’Alfred Tyson-Brown, le frère de Frederik, à la basse, du batteur Kieron James et de Michael-James Dent à la guitare.

La suite, c’est So Far, So Deep, le deuxième single en avril 2015, magnifique chanson lente et lumineuse bâtie sur des guitares tristes à la Elliot Smith, paresseuses et somnolentes comme chez Teenage Fanclub, mais illuminée par le chant poignant de Frederik Tyson-Brown, qui rappelle ici Luke Haines de The Auteurs.

Hunck est ensuite détecté par le tremplin rock « Here To Be Heard ». Leur victoire est récompensée par un passage sur la scène du grand festival de Reading en aout dernier, qui leur offre la reconnaissance d’une première grosse exposition publique.

Mais ce qui nous intéresse , leur actualité du jour, c’est la sortie de I’ll Wait, le tout dernier single. Il élargit franchement leur panorama, en ouvrant leur son vers les grands espaces du rock psychédélique des late 60’s. Petit bijou de pop narcotique, ce morceau est une tuerie mélodique avec ses vocaux accrocheurs emportés par des carillons de guitares aux riffs hypnotisants.

Hunck est vraiment une très belle révélation.

Sortie officielle le 16 octobre.

Pixx

En cette période de rentrée scolaire, voici la petite nouvelle de la classe 4 AD.

Hannah Rodgers est une toute jeune song-writer de 19 ans, originaire de Chipstead , petite ville située entre Londres et Gatwick, apparue sous le nom de PIXX avec un premier E.P, Fall In.

Comme pour toutes les nouvelles signatures du label 4AD, on cherche forcément un lien de filiation avec les glorieux ancêtres de la maison que furent Cocteau Twins ou Dead Can Dance. Et oui : elle l’a ! Cette pop douce et poétique avec une voix cristalline sur fond de guitares en reverb ténébreuse et de tempos aériens rappelle de bons souvenirs des mid-80’s. On y perçoit aussi l’ésotérisme tortueux qu’on apprécie chez Grimes, une autre collègue de label moins éloignée dans le passé.

Mais il n’y a pas que ça chez Pixx. Une écoute plus attentive laisse transparaitre un côté plus classique, plus soul dans le timbre et la façon de poser la voix. C’est tout à fait logique. Car Hannah Rodgers cite comme influences majeures Joni Mitchell et Bob Dylan, à des années lumières de la new-wave brumeuse évoquée plus haut.

C’est ce qui fait finalement la richesse et l’épaisseur de cette toute nouvelle découverte dont on devrait reparler dans les mois à venir. Ce n’est pas vraiment une midinette sortie des gazettes mondaines. Plutôt une artiste avec un répertoire exigeant et prometteur.

Elle rentre en tout cas elle aussi dans notre play-list de rentrée.

C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de vous inviter à compléter la lecture de nos articles par l’écoute et la réécoute des titres présentés, qui tournent en rotation toute la journée dans notre programme radio. Il est fait pour ça !

Marissa Nadler

Les habitués fidèles de notre Musical Box ont depuis longtemps remarqué notre goût marqué pour les reprises. Vanke et moi sommes en effet aussi friands l’un que l’autre de covers de morceaux originaux en mode surprise, régulièrement célébrées dans nos chroniques. Au hasard par exemple ou . Je me souviens même d’une belle histoire sur l’itinéraire extraordinaire d’une chanson que j’avais eu beaucoup de plaisir à vous conter.

Cette fois encore, voici une superbe et intrigante réappropriation artistique. Marissa Nadler s’attaque à Black Sabbath ! La fragile et diaphane chanteuse folk de Boston se confronte à un monument du Heavy-Metal des 70’s. Et elle s’en sort brillamment…

En reprenant il y a quelques semaines Solitude, fusée planante du feu d’artifice Master Of Reality de 1971, ce n’était pourtant pas gagné d’avance. C’est une chanson lente sur l’isolement chantée de manière bluesy par Ozzy Osbourne sur fond de guitare paresseuse, basse lourde et flutes. Nadler l’a transformé en un moment de dépression post-rupture spectral et menaçant, où des synthés à la reverb caverneuse se retrouvent hantés par plusieurs couches de voix incantatoires. L’ambiance est noire, Lynchienne, envoutante. Ça tombe bien, c’est ce qu’on aime chez elle : la capacité de faire s’épanouir le folk humble et basique en une pop chrysalide teintée de la noirceur d’une prêtresse gothique. On écoute ainsi encore souvent et avec émotion le sombre et réussi July paru en février 2014.

Marissa Nadler s’était déjà essayé à des reprises de Karen Dalton ou Elliott Smith. Mais il faut reconnaitre que cette version du Solitude de Black Sabbath est d’un tout autre niveau.

Vénéneux.

Et évidemment vous pourrez écouter juste après la version originale.

The Ocean Party

Aujourd’hui , cap sur l’Australie pour accueillir dans nos colonnes The Ocean Party.

Ils ne sont pas vraiment nés de la dernière pluie Australe. En trois ans et bientôt cinq albums, ce sextet , originaire de Wagga Wagga (!) et désormais basé à Melbourne, a su imprimer son savoir faire. Une pop-rock intemporelle à guitares, qui mêle une âpreté électrique à des mélodies glucosées.

Pas de surprise donc avec la découverte des premiers titres de Light Weight leur nouvel album. Guess Work nous avait enchanté avec sa pop tout en arpèges soyeux il y a deux mois. C’est maintenant Greedy qui est publié en attendant la sortie définitive de l’album le 9 octobre chez Spunk Records.

Riff minimaliste de guitares à la Joy Division et couplets chantés dans un dénuement digne de Ian Curtis. Refrains enlevés avec chœurs catchy et rythmique digne de The Cure. En moins de deux minutes la messe est dite et la communion célébrée. Celle qui unit la sauvagerie élégante du post-punk à l’incandescence épique de l’hémisphère sud. On reconnait l’esprit de The Chills, des premiers Go Betweens, voire plus récemment le charme Slave de Motorama.

Pas de doute : ils méritent dignement une place au premier rang de la classe de notre rentrée.

Majical Cloudz

Les plus belles chansons sont souvent les plus simples. C’est une nouvelle fois le cas ici. Une simple voix, enveloppée dans un discret écrin électronique, et ça fonctionne parfaitement. Avec leur Silver Car Crash, Majical Cloudz ont définitivement charmé puis conquis durant tout le mois d’aout la play-list de mon Zistor Express, antichambre de celle de notre Boite Musicale.

Derrière ce nom de « Nuages Magiques » qui va si bien à leur musique, on retrouve les Canadiens de Montréal Devon Welsh (chant) et Matthew Otto (claviers), déjà auteurs en 2013 d’un album reconnu, Impersonator, qui leur a permis ensuite de triompher en première partie de la tournée de Lorde. Son successeur, Are You Alone ? est annoncé pour le 16 octobre, enregistré dans les studios d’Arcade Fire et Godspeed You! Black Emperor à Montreal et diffusé par Matador Records. Il bénéficie de l’apport du génial Owen Palett, venu prêter main forte à la batterie, au violon et au piano. Le single Silver Car Crash en constitue l’apéritif.

Et quelle divine mise en bouche ! Le chant de Welsh est bouleversant par son dénuement et sa tendresse. Avec une audace et une maturité impressionnantes, il raconte un terrible et ultime rêve d’amoureux : I want to kiss you inside a car that’s crashing/ And we will both die laughing… Digne de Cronenberg ou Morrissey. Et pour souligner le tout musicalement, Otto tisse une étrange toile aux claviers, faite de nappes fantomatiques déchirées par de la distorsion et un chœur de voix spectrales. C’est très très beau.

Charmant et conquérant on vous disait … Ecoutez et fermez les yeux. L’automne est là.

Ducktails

Un mois. C’est le temps qu’a mis ce disque, sorti fin juillet, pour infuser doucement et conquérir nos hauts parleurs. Il faut dire que St Catherine, le cinquième album de Ducktails est un trésor d’humilité et de discrétion. Empreint de douceur, moelleux et soyeux, il se dévoile au fil des écoutes sans agressivité ni ostentation.

Ducktails est le side-project de Matt Mondanile, guitariste chez Real Estate, un groupe Américain mis à l’honneur l’an passé dans notre palmarès de fin d’année. L’écriture des chansons de St Catherine a justement été effectuée durant les moments d’accalmie de la longue tournée de Real Estate après l’album Atlas. Et ces onze morceaux constituent un très bon spin-off par rapport au rock indé mélodique de Real Estate. Mondanile choisit une approche plus folk, artisanale et précieuse. On reconnait toujours le son particulier de sa guitare au vibrato larmoyant, mise ici au service de chansons apaisantes et oniriques. Une bedroom-pop acoustique fragile et bancale, mais parée d’un classicisme intemporel.

Il faut dire que le disque est produit par Rob Schnapf, connu pour son travail sur Either/Or et XO d’Elliot Smith. Cette mise en son est très belle. Schnapf parvient à enluminer le songwriting plutôt bancal et lo-fi de Mondanile avec des arrangements équilibrés et harmonieux de guitares , d’instruments électroniques ou de cuivres discrets. Une impression de clarté se dégage nettement de cette musique pourtant brumeuse.

St Catherine est sorti le 20 juillet chez Domino. Ce disque intègre aujourd’hui notre play-list, et vient se ranger aux côtés de ceux qui nous ont beaucoup émus cette année par leur sincérité : Sufjan Stevens et Mark Knopfler.

Ciselé et raffiné.

Korallreven

Ça commence à sentir la fin. Vous ne trouvez pas ? Fin du beau temps, fin des longues journées d’été, bref ambiance de fin de vacances. C’est aussi la fin des récifs de corail. Et là on ne parle plus de vacances mais de musique.

Car Korallreven (récif de corail en Suédois) viennent de mettre fin à leur aventure. Une nouvelle qui nous touche forcément car le duo composé de Marcus Joons et Daniel Tjäder a régulièrement accompagné la vie de notre MusicalBox avec ses chansons poétiques et cristallines, depuis An Album By Korallreven en 2011 jusqu’à Second Coming en 2014.

Les deux Suédois ont décidé de clore leur histoire commune, commencée en 2009. Et ils referment cette dernière page avec une grande élégance. Pas de parole agressive, ni pleine de rancoeur. Pas de concert annulé à la dernière minute. Leur départ se célèbre dans un ultime morceau d’adieu, publié le 20 aout, le superbe Here In Iowa, accompagné d’une déclaration émouvante. Le mieux est de leur laisser la parole :

“C’était un voyage psychédélique, une sorte de rêve devenu réalité, un rêve qui s’est finalement brisé. Il est incroyable de voir comment Korallreven, avec ce nom Suédois sauvage, a pu dévaler des premiers enregistrements dans notre chambre à Stockholm jusqu’à une tournée Américaine en tête d’affiche, des festivals dans toute l’Europe, des collaborations étonnantes, et tout cet amour que nous avons ressenti partout. C’était magique, mais il y a un temps pour tout et une fin à tout aussi, même pour Korallreven.

Alors savourez ce single comme si c’était la dernière goutte d’eau fraiche dans la jungle. Il souligne exactement tout ce que nous avons toujours voulu faire depuis le début, mais que nous n’avons jamais réussi à faire. L’amour de la vie, des grands mots et de la mélancolie en trois minutes trente, pour la dernière fois. »

Ils finiront par deux concerts, l’un à Brooklyn le 17 septembre et l’autre à la maison à Stockholm le 17 octobre.

Une sortie par la grande porte. Salut, messieurs. Vous nous manquerez.

Kagoule

Suite de notre opération « Place Aux Jeunes » avec aujourd’hui Kagoule. Arrivé tout droit de Nottingham, ce trio de teenagers est certes plus âgé que la classe biberon de Pesky, mais ne dépasse pas non plus les vingt ans.

Formé depuis leurs quatorze ans, Kagoule vient de sortir le 21 aout Urth, debut-LP paru chez Earache Records. Le disque est carrément produit par Ross Orton, célèbre depuis son travail sur le monumental AM des Artic Monkeys. Le producteur a en effet été victime d’un coup de foudre instantané en les découvrant sur scène lors de la première partie de The Wytches à Sheffield.

Nés en 1995, ils sont trop jeunes pour avoir connu le son des 90’s. C’est pourtant cette période qui fournit le plus de références à l’écoute de leur musique. On y discerne le grunge de Dinosaur Jr et Mudhoney, l’exigence sauvage de Fugazi et Nirvana, les envolées soniques de Smashing Pumpkins ou des Pixies.

La formule en trio colle parfaitement à leur approche musicale. Les étonnantes lignes de guitare de Cai Burns sculptent une trame dense, psychédélique et ténébreuse, à coups de fuzz et reverb, parfait écrin pour le chant de la bassiste Lucy Hatter, à la fois doux et incantatoire, entêtant. Et derrière tout ça rebondissent les soubresauts de la batterie de Laurence English, au jeu non conventionnel et intuitif, surprenant par ses contrepieds.

C’est très réussi. Le choc du son et de l’émotion d’une voix. Des couleurs sonores déjà entendues mille fois mais retravaillées ici de manière inédite et puissante. Les grands médias rock ne s’y sont d’ailleurs pas trompé et, depuis les colonnes Anglaises du NME et du Guardian jusqu’aux pages Américaines de Rolling Stone, les compliments tombent sur les épaules du jeune trio.

En espérant qu’elles restent assez solides pour porter tous ces espoirs placés en eux…

Pesky

Pesky! est le clin d’oeil de l’été. Il fait sourire, mais aussi réfléchir…

Sourire. Voilà un facétieux combo de très jeunes musiciens. Très très jeunes même. Douze ans de moyenne d’âge … Deux d’entre eux n’ont même que onze ans ! Ils sont originaires de Ulverton en Angleterre, près du Lake District. Ce Clan des 7 est issu du Club de Guitare de l’école Croftlands Junior School, qui a pour habitude de se réunir après l’école pour apprendre la musique en jouant des classiques des Beatles ou des Beastie Boys et une fois par an de donner un concert à la fête de l’école pour les parents. Jusqu’au jour où Megan la petite chanteuse s’est pointée en répète avec ses propres compositions, aussitôt approuvées par les copains. Car Megan Cooper est plutôt douée pour l’écriture et la composition. Il suffit ensuite que Kate Stamp (11 ans, guitariste) et Niamh Angels (chant) apportent aussi leur contribution créative et hop ! Pesky! était né.

Ils jouent un pop rock énergique qui associe des mélodies simples, faciles à retenir, avec des guitares bruyantes de fuzz et de reverb, soutenues par des claviers. On sourit la larme à l’oeil comme on le ferait en découvrant les premières chansons du groupe de nos enfants ou petits enfants.

Mais aussi réfléchir. Leur punk-rock-shoegaze nous abreuve d’une fraicheur pleine d’énergie et émoustillante. Le genre de vitamines qu’on aurait bien aimé retrouver chez certains vétérans stars des plus grandes scènes mondiales, hélas en vain. Cet afflux de vitalité et d’hormones pré-adolescentes fait d’autant plus ressentir la vacuité et l’assèchement d’artistes établis qui s’accrochent encore pitoyablement aux branches d’un succès florissant.

Malgré leurs imperfections, leur évidente naïveté, Pesky! jouent une musique crédible, étonnamment habitée. Assez incroyable quand on pense qu’ils n’avaient la permission de ne répéter qu’une heure par semaine pour ne pas nuire à leurs devoirs à faire, à leurs obligations de scouts ou des cours de danse.

Ils ont même du réquisitionner une salle de classe pendant un week-end pour enregistrer sur un I-Pad leur mini-album 6 titres Smells Like Tween Spirit. Et aussi incroyable, le bouche à oreille les a propulsé en quelques semaines pour une signature chez Fierce Panda Records, qui distribue ce premier disque en format digital depuis juillet et en CD le 23 octobre.

C’est donc un clin d’oeil certes, mais qui provoque un mini séisme dans notre boite musicale.

El Vy

Mais qu’est-ce qui est arrivé à Matt Berninger ? Une insolation ? Des excès chimiques ? Une histoire d’amour ?

Le leader de The National qui nous avait jusqu’ici habitués à admirer son allure élégante et sa classe artistique de loser ténébreux s’est en effet métamorphosé en chanteur pop à paillettes ! On le découvre avec stupeur avec une nouvelle coiffure à poils longs d’une blondeur de plagiste Californien, arborant tenue claire, barbe et lunettes de hipster. Le sombre et mélancolique crooner s’est même mis avec frénésie à la pratique du surf. Il faut le voir pour le croire.

Ce relooking récent est en fait la conséquence de son nouveau projet musical. Berninger s’est acoquiné avec son pote de longue date Brent Knopf , originaire de Portland, producteur et musicien, membre de Menomena et depuis 2010 de Ramona Falls, pour donner naissance à El Vy. Et on adore !

On adore ce mariage de pop bien 80’s (les claviers rutilants, les riffs groovy de guitare) avec la belle voix de baryton de Berninger. C’est frais, catchy et irrésistible. Un tube éclatant sous la boule à facettes… Les fans de l’intensité dramatique et bouleversante de The National vont sans doute s’effondrer de douleur dès les premières notes de El Vy, mais on s’en tape. Le duo ne va sûrement pas révolutionner l’histoire du rock, mais sa pop sucrée et festive est plus qu’agréable à déguster en cette saison ensoleillée.

L’album Return To The Moon est annoncé pour le 30 octobre prochain, chez 4 AD. El Vy enchainera également avec une longue tournée mondiale en novembre-décembre.

Mais qu’on se rassure, aucune menace ne plane sur l’avenir de The National, pour nous et pour beaucoup l’un des groupes majeurs de la musique de ces dix dernières années.

The Arcs

C’est une des grosses infos de la semaine. The Arcs ont publié un nouveau titre extrait de l’album Yours, Dreamily qui, lui, ne paraitra qu’en septembre.

Rappelons qu’il s’agit du nouveau projet de Dan Auerbach échappé de The Black Keys. Depuis l’annonce de la sortie du disque, on a déjà pu écouter depuis le mois de juin Stay In My Corner et Outta My Mind. C’est maintenant au tour de Put A Flower In Your Pocket, accompagné par un film d’animation en guise de clip, réalisé par El Oms (alias Omar Juarez).

Ce troisième galop d’essai est plutôt bien ficelé. Il créée une ambiance de groove psychédélique bâti sur un downtempo presque trip hop. On imagine Portishead jouant avec Alabama Shakes une fusion de blues futuriste.

Alléchant pour attendre Yours, Dreamily qui sort le 4 septembre chez Nonesuch Records. L’album contiendra généreusement 14 titres, enregistrés dans la spontanéité de deux semaines intenses entre Los Angeles, Nashville et New York, et co-produits avec Leon Michels le clavieriste des Black Keys sur scène.

Dans le détail, The Arcs réuni ,en plus de Dan Auerbach et Leon Michels, Richard Swift et Nick Movshon, tous deux musiciens de tournée des Black Keys, ainsi que le guitariste de Nashville Kenny Vaughan, Homer Steinweiss le batteur des Dap-Kings, et Mariachi Flor de Toloache. Chacun a apporté sa petite pierre à l’édifice d’Auerbach, qui a choisi de faire vraiment ce qui lui plait et de laisser libre cours à ses inspirations de toujours que sont la soul des 60’s, le folk-pop, Grateful Dead ou le garage-rock.

Cette deuxième aventure perso pour le chanteur et guitariste des Black Keys, la deuxième après son album solo Keep It Hid en 2009, ne semble pas remettre en question l’avenir du duo, qui a repris sa tournée de concerts. Son partenaire Patrick Carney s’est en effet bien remis de la blessure à l’épaule survenue sur les plages de Saint Barthelemy cet hiver et a pu remonter sur scène à la fin mai lors du Primavera Sound Festival de Barcelone.

Donc, pour les fans des Black Keys, ne surtout pas paniquer… The Arcs n’est finalement qu’un (très bon) side-project récréatif pour Dan Auerbach.

Introverted Dancefloor

Un grand écart comme on les aime ! Celui qui nous fait passer, depuis notre dernière chronique, de la découverte d’un combo punk-rock décapant à celle, aujourd’hui , d’une dance-music fragile et élégante.

Introverted Dancefloor. Voilà un nom pas forcément du meilleur goût mais qui a le mérite de bien résumer la démarche de l’artiste. Bevan Smith est un musicien et producteur Néo-Zélandais. On l’a découvert lors de son passage chez The Ruby Suns (véritable trésor caché pop-folk paru en 2009, à écouter impérativement si vous ne connaissez pas). Mais il est plus connu pour ses projets Aspen et Signer, qui ont déjà pas mal d’albums à leur actif, mêlant techno et ambient.

Introverted Dancefloor est sa dernière création. C’est une déclinaison en mode electro-dance de son écriture à la fois exigeante, pudique et sophistiquée. Smith a décortiqué, disséqué, puis synthétisé et reconstruit des milliers de pistes audio au cours de longues heures d’un travail de fourmi, avant de réunir le tout pour le jouer avec seulement deux synthés, un filtre, un processeur d’effets et un micro.

Le résultat est à la hauteur des attentes. Take It High est une étincelante pièce à deux faces. Un côté riche et brillant, avec une structure à tiroirs, des arrangements gigognes inattendus et malins, de puissantes envolées incandescentes. Et l’autre côté, plus minimaliste, dans ces sons des synthés assez lo-fi, ou dans le chant, très humble et discret, presque timide.

La dernière fois qu’on a pu admirer un travail pareil, c’était en écoutant Caribou l’an passé. Autant dire qu’on adore ce morceau, le deuxième à être dévoilé après Happiness Is Such A Mess fin juin.

L’album eponyme Introverted Dancefloor est composé de 14 titres et parait le 25 septembre chez Carpark Records, une bonne adresse qui accueille aussi Cloud Nothings, Dan Deacon, et Speedy Ortiz.

Une occasion pour TheMusicalBox de ressortir avec un plaisir coupable la boule à facettes …

Royal Headache

Allez ! Cette fois on oublie les revenants de l’été qui squattent nos chroniques depuis quelques jours pour rebondir sur des nouveaux venus qui commencent à affoler la sphère rock.

Royal Headache déboulent en effet d’Australie avec de belles promesses et une approche musicale étonnante. A première vue ce quatuor de Sydney n’a pourtant rien de très original à l’écoute de leurs premières notes : ce n’est que du punk-garage joué de manière teigneuse et cinglante.

Oui mais …..

Il y a aussi un chanteur. Et là toutes les conventions explosent. Car la voix de Shogun, le chanteur en question, évolue dans un registre carrément soul, digne d’un crooner. Les lyrics portent d’ailleurs souvent sur des histoires d’amour. Incroyable union contre nature entre un fond musical crade et punk et au premier plan cette voix de séducteur pour dames telle qu’on en entendait sur les scènes des 50’s. Peu d’exemples de ce type d’association nous viennent à l’esprit. Future Island peut-être avec sur fond de new-wave 80’s les vocaux à la Tom Jones de Samuel T. Herring. Ou alors The Bellrays, pour ceux qui se souviennent de Lisa Kekaula et de son chant à la Tina Turner sur une base musicale blues-punk électrique en 1990. Plus loin encore Undertones méritent d’être cités avec l’implorant Feargal Sharkey et sa voix qui chevrote sur le punk-rock basique de ses acolytes.

Bref une étonnante formule qui attire attention et sympathie. Mais bien au delà de cette idée gadget, on ne résiste pas et on se laisse emporter par la puissance et la sincérité des chansons de Royal Headache. Les mélodies sucrées sont brillamment conduites sur un chemin poussiéreux de guitares épineuses où résonnent de redoutables cavalcades rythmiques.

High est leur deuxième album. Il parait chez What’s Your Rupture ? le 21 aout. Il contient 10 titres expédiés en moins de 30 minutes pour réussir un électrochoc estival.

Vraiment jubilatoire.

Yo La Tengo

Et à la une de cette chronique toujours des histoires de revenants …

A double titre.

Premièrement car Yo La Tengo, notre sujet du jour, appartiennent à la catégorie des vieux sages expérimentés et respectés de l’indie-rock . Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous célébrons le trio de Hoboken, dont nous avions retracé début 2013 la carrière à l’occasion de la sortie de Fade, leur 13ème album.

L’été 2015 les voit reparaitre avec un nouveau disque sous le bras. Stuff Like That There, qui parait le 28 aout chez Matador , est un joyeux mélange de vieux titres inédits, de nouvelles versions d’anciennes chansons du groupe et de plusieurs reprises, par exemple de Darlene McRea, Lovin’ Spoonful, Hank Williams ou The Parliaments. C’est leur deuxième disque de reprises, 25 ans après FakeBook en 1990. Pour cet opus le groupe est devenu quatuor avec le retour de leur ancien guitariste Dave Schramm.

Deuxièmement car la chanson du jour fait partie des Oldies But Goldies. Friday I’m In Love est l’une des covers choisies par Yo La Tengo. Une valeur sûre de notre bibliothèque musicale écrite par The Cure en 1992 pour l’album The Wish retrouvée ici avec plaisir dans une version country-folk grinçante.

Donc oui ! Ces revenants là ne nous effraient pas. Bien au contraire on applaudit les mains bien hautes dans le ciel et on se bidonne en regardant le clip de Jason Woliner qui met en scène Georgia Hubley la drum-drum-girl du groupe en sorcière apocalyptique.

Pour être complet, voilà la track-list avec les références des reprises :

Stuff Like That There :

01 My Heart’s Not in It (Darlene McCrea)
02 Rickety
03 I’m So Lonesome I Could Cry (Hank Williams)
04 All Your Secrets (remake of track from Popular Songs)
05 The Ballad of Red Buckets (remake of track from Electr-o-pura)
06 Friday I’m in Love (The Cure)
07 Before We Stopped to Think (Great Plains)
08 Butchie’s Tune (The Lovin’ Spoonful)
09 Automatic Doom (Special Pillow)
10 Awhileaway
11 I Can Feel the Ice Melting (The Parliaments)
12 Naples (Antietam)
13 Deeper Into Movies (remake of track from I Can Hear the Heart Beating as One)
14 Somebody’s in Love (The Cosmic Rays with Le Sun Ra and Arkestra)

Et pour le plaisir, un petit souvenir avec la version originale de Robert Smith et sa bande en 1992.

The Chills

Encore de vieilles connaissances ! The Chills illuminaient nos journées il y a une trentaine d’années avec leurs chansons à la fois noires et radieuses qui exprimaient une rage post-punk dans des carillons de guitares ensoleillées. On découvrait alors avec ferveur l’exotisme de cette nouvelle pop venue de l’hémisphère sud.

L’an passé nous avions accueilli avec surprise et plaisir l’excellent Molten Gold, un titre inédit publié à l’occasion des 50 ans du chanteur et guitariste Martin Philipps. Rappelez-vous.

Cette fois c’est encore mieux ! Car voilà un vrai nouvel album de The Chills. Intitulé Silver Bullets, ce cinquième disque est leur premier depuis 19 ans (depuis Sunburnt en 1996) et parait le 30 octobre chez Fire, maison haut de gamme pour tout ce qui concerne le rock Austral. Silver Bullets a été enregistré à la maison à Dunedin. Martin Philipps est épaulé par les habituels James Dickson (basse), Todd Knudson (batterie), Erica Stichbury (violon), et Oli Wilson (claviers). Une nouvelle version de Molten Gold figurera parmi les onze titres de cet album.

Mais c’est America Says Hello qui en constitue le premier véritable single. Et, bonne surprise, même plusieurs décennies après leurs heures de gloire, c’est un très bon morceau. Les guitares résonnent d’un jingle-jangle cristallin. Sur un uptempo énergique et entrainant, Philipps chante presque plus juste qu’avant, prouvant que sa voix ne s’est en rien altérée avec les années. Les paroles ont évolué et deviennent plus politiques et à l’écoute des préoccupations de notre époque. C’est une pop mélancolique mais désormais habitée par de profondes convictions.

Une confirmation en tout cas : The Chills restent un trésor artistique sur lequel l’érosion du temps n’a pas de prise.

Nouvelle Zélande, pays de l’éternelle jeunesse ?

Silver Bullets:
01 Father Time
02 Warm Waveform
03 Silver Bullets
04 Underwater Wasteland
05 America Says Hello
06 Liquid Situation
07 Pyramid/When The Poor Can Reach The Moon
08 Aurora Corona
09 I Can’t Help You
10 Tomboy
11 Molten Gold

Au retour des vacances, j’ai souvent pris l’habitude de vous présenter mon tube de l’été. Il s’agit en général d’un truc inconnu, mais qui a réussi l’exploit de tourner le plus fréquemment pendant toutes les semaines du mois de juillet dans mon lecteur.

Cette année le grand vainqueur de cette médaille en chocolat est Gilligan Moss avec son Choreograph, une étrange pièce de dance-music, qui dénote un peu par rapport à mes penchants habituels pour l’indie-rock à guitares jangly.

Gilligan Moss

Il s’agit d’un DJ Américain, originaire de Chicago et résidant à New York, découvert lors de ses excellents remixes de Glass Animals, dont il a par ailleurs assuré la première partie en tournée.

Là où ça se complique, c’est pour expliquer son style en quelques mots. C’est une rude épreuve. Imaginez l’intersection des sphères musicales de Hot Chip, Enigma et Four Tet et vous n’en serez pas loin. Des gargouillis et des cliquetis intrigants amènent doucement un rythme dance de grosse caisse, puis tout s’emballe avec des chœurs trafiqués à l’ambiance tribale, enfantine et religieuse qui rebondissent en l’air comme des elfes malicieux. La première écoute surprend, la deuxième amuse et à partir de la troisième c’est le plaisir des sens. Le dance-floor se met à étinceler d’étranges lueurs et est insidieusement envahi par des aliens …

Cet ovni musical n’est pas totalement récent puisqu’il est paru depuis 2013. Mais il s’agit d’une réelle nouveauté. Gilligan Moss publie en effet son premier E.P le 14 aout. Intitulé Ceremonial, il contient quatre titres : 1) Choreograph 2) It Felt Right 3) Ceremonial 4) Statis. Et pour fêter la nouvelle, le clip est aussi dispo, très réussi et hilarant.

Un vrai tube de l’été donc. Même si ce n’est que pour les lecteurs et auditeurs de TheMusicalBox !

Et je ne résiste pas à la joie de vous faire entendre le remix de Gooey des Glass Animals par Gilligan Moss.

Suite de notre série des « revenants de l’été »…

… Aujourd’hui The Libertines.

the libertines

On croyait avoir atteint le record d’hibernation musicale avec les 10 ans de silence de New Order. Mais eux font encore plus fort, et améliorent la marque avec 11 longues années d’absence. Leur dernier album, The Libertines, date en effet de 2004, année de la séparation du groupe.

Par contre ils ne sont pas vraiment restés discrets durant cette période, marquée par une avalanche de rumeurs et de faits divers. Compétition féroce entre les projets persos de Pete Doherty (Babyshambles) et Karl Barat (Dirty Pretty Things), pugilats entre les deux, cambriolages, problèmes d’addiction pour Doherty alternent avec les multiples annonces d’une reformation imminente. Une bonne nouvelle à laquelle on croit à chaque fois quand The Libertines remontent ensemble sur scène en 2007, en 2010 ou en 2012. Mais hélas sans suite.

Cette fois la chose est sérieuse. Négociée depuis 2014, la reformation s’est finalement concrétisée au début 2015 en Thaïlande, où Pete Doherty a effectué avec succès un séjour dans un centre de désintoxication. Enregistré là-bas, au studio Karma au sud de Bangkok, le troisième album a pu se faire dans la sérénité. Baptisé Anthems For Doomed Youth, il sortira le 4 septembre chez EMI. Généreusement constitué de 12 titres, sa réalisation est assurée par Jake Gosling, un producteur très pop (Ed Sheeran, One Direction, Christina Perri).

Le premier single a en être tiré est Gunga Din.

Simple, efficace, avec ses couplets qui évoluent sur un beat reggae et des refrains plus enlevés et accrocheurs, ce n’est sûrement pas le meilleur morceau de The Libertines, mais on s’en contentera sans faire de grimace. C’est une chanson punchy et détendue qui fait plutôt plaisir à l’écoute.

Et une actualité qui impose évidemment de vous faire entendre ce come-back qu’on attendait plus dans notre play-list.

Dans la foulée le groupe a fait à la fin juin une apparition surprise sur la scène de Glastonbury, que vous pouvez tranquillement regarder en bonus :

Qui a dit que l’actualité musicale se mettait en veille durant l’été ?

Ce n’est sûrement pas le cas pour l’été 2015 car les nouveautés majeures s’enchainent. Après la découverte récente du nouveau et stupéfiant Beach House, c’est au tour de New Order.

New Order

Il s’agit forcément d’un gros évènement pour nous, tant ce groupe accompagne notre vie depuis 25 ans, et constitue une référence dans nos chroniques et notre programmation radio. Pour vous rafraichir la mémoire sur notre amour pour les Mancuniens c’est ici. Ou .

Quoi de neuf chez New Order en 2015 ? La sortie d’un vrai nouvel album. Le premier depuis Waiting for The Siren’s Call il y a 10 ans ce qui commence à faire long.

Music Complete sortira le 25 septembre chez Mute. Bernard Sumner avait manifestement peur de la solitude et s’est entouré de collaborateurs prestigieux . En plus des musiciens habituels Stephen Morris, Tom Chapman et Phil Cunningham, on savoure le retour de Gillian Gilbert aux claviers, partie depuis Get Ready en 2001. Mais ce qui intrigue le plus ce sont les invités : Tom Rowlands des Chemical Brothers et Stuart Price des Rythmes Digitales produisent quelques titres. Et on entendra au chant Iggy Pop (!!!), Brandon Flowers des Killers et même Elly Jackson de La Roux.

Il faut dire qu’il manque un élément essentiel du groupe, le bassiste légendaire Peter Hook. Ce qui hélas se ressent sur Restless , premier extrait de l’album à être rendu public. C’est plutôt un bon morceau, dans la lignée classique du répertoire de New Order. Bernie chante encore pas trop mal, parvenant à conserver sa voix à la fragilité grinçante mais émouvante malgré l’érosion des années. Les arrangements de batterie, claviers et guitares reprennent les notes là où elles en étaient restées depuis Krafty ou Crystal, mélange réussi de sons acoustiques, électriques et électroniques. Mais le manque des lignes de basse mélodiques et sauvages de Hook se fait cruellement ressentir.

Ne surtout pas dégainer les Kalachnikov ! Restless est une bonne chanson, et il faudra attendre la sortie définitive de l’album dans un mois pour juger.

Finalement si on oublie l’idée de chercher coûte que coûte à retrouver le New Order d’antan, c’est plutôt un sentiment de plaisir qui l’emporte à l’écoute de ce nouveau titre, le premier depuis si longtemps.

Le bonheur de recroiser d’anciens compagnons de toujours.

Et pour finir le tracklisting de Music Complete :

1 Restless
2 Singularity
3 Plastic
4 Tutti Frutti
5 People On The High Line
6 Stray Dog
7 Academic
8 Nothing But A Fool
9 Unlearn This Hatred
10 The Game
11 Superheated